k-libre - article

Mon père dit que la Cité Verte, c'est un nom qui doit venir des moisissures qu'il y a sur les murs.
Hector Hugo - Aubagne la galère
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

La Cité sous les cendres
Dix ans ont passé depuis que Danny Ryan et son fils ont dû fuir Providence et la vengeance d'une fami...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

jeudi 21 novembre

Contenu

Le blues du chroniqueur

MAJ jeudi 21 novembre

Le blues du chroniqueur
© D. R.

16 mai 2013 - Parfois je m'interroge. Pourquoi ? Why? comme disait Shakespeare. Alors, dans ces moments de doute, mes mains se joignent et mes poings serrés se tendent vers les étoiles (car il fait nuit au moment où j'écris ces lignes et, même si les volets sont clos, j'imagine que, derrière... bref...). À quoi bon tout ça, me lamente-je ? Cette chronique, ces lectures, tout ce temps que j'use à lire ces livres qui s'accumulent sur ma table de chevet et que je ne passe pas, de ce fait, à m'occuper de mon jardin – au propre comme au figuré, d'ailleurs ?

Bon, j'en fais un peu trop dans le mélo, j'admets. Mais quand même. J'ai envie de profiter de cette présente chronique pour pousser un petit coup de gueule. Car cela va bientôt faire trente mois que je m'échine à défendre ici l'édition à compte d'auteur, sous toutes ses formes, et je me dis qu'il est temps de tirer un premier petit bilan de tout cela. D'autant que ce dernier ne sera pas véritablement réjouissant. Pas forcément au niveau de la qualité des ouvrages que j'ai lus. Certes il y en a eu des gratinés, écrits dans une langue très approximative, mais j'ai aussi fait de belles découvertes. Et puis, quand on choisit de se plonger dans le monde de l'autoédition, on est bien obligé d'en accepter les imperfections récurrentes : coquilles, longueurs, lourdeurs, illogismes... Car il ne faut pas perdre de vue que les ouvrages publiés ainsi ne sont au fond que des manuscrits qui n'ont, la plupart du temps, bénéficié d'aucun regard critique extérieur. D'où des résultats forcément très contrastés.

Mais ce qui m'a le plus interloqué, ces derniers mois, plus que leurs livres encore, ce sont les auteurs. Précisons que j'entretiens avec les livres une relation particulière. Je considère qu'au-delà du volume de papier qu'ils constituent matériellement, ce sont aussi et surtout, des supports qui doivent permettre aux individus de se croiser, de se rencontrer, d'échanger, de s'ouvrir, de progresser... Pour moi, écrire, publier des livres, des revues, rédiger des recensions, n'a jamais été une fin en soi. Le but, c'est de créer une dynamique permettant à des hommes et à des femmes de faire un petit bout de chemin ensemble, de partager autour d'une passion commune. C'est dans cette optique, une fois de plus que j'ai attaqué cette chronique sur k-libre. Et là, force est de reconnaître que le constat est décevant.

Je ne m'attendais bien entendu pas à des remerciements à n'en plus finir ou à des courbettes interminables, mais quand même : j'espérais au moins rencontrer des écrivains curieux, intéressés par le regard que l'on pouvait poser sur leur travail, ayant envie de discuter, de débattre, même a minima. Rappelons quand même que la grande majorité des auteurs que j'ai chroniqués ici sont de parfaits inconnus qui n'ont quasiment aucune connaissance de ce qu'est le monde du livre, qui n'ont aucun réseau et, généralement, très peu de lecteurs. Ma chronique est bien souvent, pour plusieurs, la première lecture véritablement critique de leur travail. Croyez-vous que cela a généré du dialogue, de l'échange, du partage ? Quasiment pas. Si je retire les trois ou quatre auteurs que je connaissais déjà avant, je n'ai concrètement échangé quelques mails qu'avec deux ou trois autres. Deux ou trois : ce doit également être le nombre de remerciements que j'ai récoltés. Certains n'ont même pas donné suite à mes mails après la publication de ma recension de leur bouquin.

De la même manière, quasiment aucun auteur n'a eu la curiosité de m'interroger sur mes propres productions : deux seulement. C'est peu. Là encore, soyons clair, je ne suis pas dans une optique de réciprocité absolue, mais un peu de curiosité, d'envie de regarder ce que l'autre propose, ce n'est pas mal ! Pour qu'une rencontre prenne tout son sens, il faut quand même que nous soyons deux à nous rencontrer.

Que croient-ils, tous ces auteurs ? Que je n'ai que ça à foutre de lire leurs proses parfois médiocrement ficelées ? Que je n'ai rien d'autre à lire, à faire ? Ces chroniques me demandent du temps, de l'énergie. Pour quel résultat ? Quel bénéfice ? Pratiquement aucun auteur n'a, semble-t-il, jugé utile de reprendre ma critique, ou quelques mots de celle-ci, pour promouvoir son travail, sur le Web ou ailleurs. Un des seuls échos que j'ai pu retrouver se contentait de pointer ma "compassion teintée de pitié pour les pauvres écrivaillons". Pas une fois je n'ai reçu un message d'encouragement me disant que ma chronique était sympa, intéressante, utile...

Alors, à quoi bon s'acharner, si les auteurs se foutent de savoir ce qu'un lecteur neutre mais malgré tout ouvert, pense de leurs écrits ? À quoi bon gaspiller son temps à lire des dizaines de bouquins si le simple fait de signaler à leur géniteur un point à retravailler ou une quelconque faiblesse stylistique est immédiatement perçu comme un signe de dédain ? Je n'ai rien à gagner dans tout cela. Les "éditeurs" concernés se contrefoutent de ce que je peux dire, ils font leur beurre indépendamment de ça. Quant aux auteurs qui font la fine bouche et se plaignent de mon "manque de notoriété", je ne peux que leur rappeler que je ne leur ai jamais promis le Graal. Juste une opportunité de rendre leur travail un peu plus visible. Une marche, un pas sur le long chemin qui même vers la reconnaissance.

Vais-je continuer encore longtemps cette chronique ? Je n'en sais rien. Perdre son temps sans bénéfice réel pour personne n'a pas beaucoup de sens.

Allez, en attendant, terminons quand même cette tirade amère par un petit salut à Mickaël Paitel, qui m'a envoyé, il y a peu, un exemplaire d'un de ses polars : Le Secret de la forêt des Blaches. Le pitch : une femme, harcelée par son patron, décide de se venger et de le tuer. Le soir du meurtre, elle est surprise par un vagabond qui, en adepte de Thoreau, a choisi de vivre dans les bois. Oserai-je dire que j'ai trouvé que son roman manquait un peu d'épaisseur (sur tous les plans, d'ailleurs, puisqu'il ne compte que quatre-vingt-trois pages. Ce qui ne m'a pas empêché de trouver un charme indéniable à ses personnages principaux, victimes de la vie qui tentent, cahin-caha, de ne pas perdre pied. Notons, pour finir, que Mickaël Paitel a eu l'élégance de ne pas uniquement se contempler le nombril et de se soucier aussi de ce que je faisais et écrivais. Un auteur qui s'intéresse aux autres ! Je n'en ai pas croisé beaucoup ici. Alors, pour une fois que j'en tiens un, autant le signaler, et l'en remercier !

Le Secret de la forêt des Blaches, Mickaël Paitel (TheBookEdition, 9,45 €, 83 pages, octobre 2012)

Vous pouvez retrouver toutes les chroniques à L'Heure des comptes !
Liens : Mickaël Paitel Par Stéphane Beau

publicité

Pied de page