Dans la nuit du monde

Roman - Thriller

Dans la nuit du monde

Cavale fatale

L'homme fuit. Quelque part, son ancien employeur veut sa peau et il espère lui échapper en quittant le pays. Mais alors pourquoi diable prend-il en stop cette jeune hippie ? Poursuivi par la CIA, une bande de mafieux et un groupe de Hell's Angels, l'improbable duo trace la route, jusqu'à un inévitable massacre.

Le récit de cavale est un classique du roman noir. Traqué par un adversaire supérieur en nombre, le "héros" prend la route, espérant se perdre dans les grands espaces américains qui fascinent depuis toujours. À ce schéma connu, Patrick Eris ajoute une plongée dans l'histoire noire des États-Unis, dans les magouilles peu reluisantes de la CIA et son implication dans divers coups d'États et assassinats qui ont façonné le paysage géopolitique mondial. Travailleur de l'ombre de l'Agence, celui qu'on ne connaîtra que sous le nom de "croque-mort" du fait de ses origines familiales, traverse ainsi les années 1950-1960, se remémorant en flashback ses (ex)actions au service d'un pouvoir occulte auquel il ne croit plus et qui, il a toutes les raisons de le croire, veut sa peau. À ses côtés, la jeune auto-stoppeuse, elle aussi anonyme, vit sa propre désillusion d'un monde meilleur qui n'est finalement pas arrivé. Débarquée en Californie pour participer à un Summer of Love déjà terminé, comme une mauvaise cuite de fin de fête, elle ne peut que partir à nouveau, chercher un nouveau rêve... Mais que reste t-il ? La route, qui se déroule dans cette fuite indolente, traversée d'éclats de violence, aussi imprévisibles qu'apparemment gratuits. Jusqu'au règlement de compte final, savamment orchestré comme dans un western de Sam Peckinpah, qui remet le mythe américain à sa juste place.

Cela fait longtemps que l'on suit le travail de Patrick Eris (par ailleurs chroniqueur dans ces pages), et Dans la nuit du monde constitue un bond en avant dans sa production, toujours marquée par un recyclage des références de l'auteur, qu'il s'agisse de contre-culture cinématographique, d'amour de la moto ou du rock, toutes ces figures transcendées ici par l'immersion historique et détaillée dans les années 1960 qui font tout le charme d'un roman qui se lit à toute allure (on notera également le beau travail d'illustration de Luc Brahy, qui rythme les chapitres), un œil sur la route et l'autre dans le rétro.

Citation

Le sixième sens qu'elle avait développé au cours de son voyage s'en émut. Il n'avait pas prononcé un mot. Ne l'avait même pas saluée. Étrange. Serait-elle tombée sur un taré ?

Rédacteur: Jean-François Micard jeudi 19 septembre 2024 partager : | |