Contenu
Nouvelles noires sauce normande
Grand format
Inédit
Tout public
Toujours rajouter un fond de calva
Écrivain discret mais au parcours et à l'œuvre intéressants, Francis Carpentier nous offre ici une douzaine de nouvelles inédites ou parues sur des supports qui n'ont pas eu forcément une immense diffusion. C'est une deuxième chance pour certains textes dont l'ensemble est de qualité et respecte les règles de la nouvelle : description d'un personnage, avec souvent un point de vue interne qui montre la situation (faussée) de son propre point de vue, chute finale (parfois très fine comme dans la dernière nouvelle, où il faut lire le bon mot pour comprendre la chute). Certaines nouvelles sont strictement noires et quelques unes (rappelant ainsi son court roman Mission à Bruxelles) ont un regard vers d'autres formes des "mauvais genres".
La première nouvelle raconte un homme perdu de dettes et qui va être tué sans doute sauvé par sa femme, mais avec une chute effrayante. La deuxième évoque un fait divers où un garçon se retrouve avec un pistolet dans une circonstance où il n'aurait pas dû se trouver. Dans la troisième nous sommes dans un texte qui tire vers le fantastique avec un personnage qui se retrouve coincé dans un rêve puis se réveille, encore plus coincé. "Histoire de Serge Compini" est une variation ironique autour de Usual Suspect. "Au cœur de droit dans mes bottes", c'est un policier qui a viré du côté de la corruption pour "aider les gens" selon lui. "L'Enfant" commence comme une version de l'histoire de Moïse pour devenir une lutte entre des gitans et des riches qui organisent des partouzes parfois sanglantes dans un moulin à proximité de leur camp. Suite à une erreur des truands liquident un homme mais son frère ne l'entend pas de cette oreille et va vouloir se venger. C'est sur ce thème très classique que s'écrit "Si ce n'est moi"... Ensuite dans "Calmar aux ancres noires" c'est un hommage peuplé de jeux de mots autour de la sérié du "Poulpe" avec un tueur qui a décidé de flinguer les auteurs d'un volume de la série. "Pourquoi faire simple" revient, par le récit à la première personne, sur un thème noir également : un tueur à gages particulièrement cynique et violent qui doit liquider un gang adverse. Dans "Ma double", le récit est une variation sur une fille bipolaire, qui doit un jour choisir entre elle et son double qui prend parfois le dessus. Dans "Adrénaline en Cochinchine" c'est un homme ordinaire qui est envoyé pour une mission en Asie et qui, sans le savoir, doit débusquer autre chose que le simple contrat pour lequel il est embauché. Et le recueil se conclut par une nouvelle autour d'un homme chargé de faire passer les frontières à des produits illégaux et qui le fait bien, mais un petit grain de sable va provoquer sa chute.
Comme on le voit différents thèmes du roman noir se retrouvent ici dans des nouvelles bien écrites, ciselées, efficaces. Un peu d'humour ponctue les textes qui reviennent sur des personnages emblématiques du genre, sur des situations revisités ici avec bonheur. L'ensemble est une excellente carte de visite pour un auteur intéressant. À suivre !
NdR - Le recueil comporte les douze nouvelles suivantes : "La Mort blanche" (paru in recueil collectif de l'association les ancres noirs, 2011), "Petit con", "Rue tous vents", "Histoire de Serge Compini", "Droit dans mes bottes (paru in recueil collectif de l'association les ancres noirs, 2009), "L'Enfant sauvé des eaux avait le shpouk" (paru sous le titre "Mauvais œil en manouche" in anthologie Au fil de l'eau de l'association ImaJn'ère, 2017), "Si ce n'est moi c'est donc mon frère", "Calamar aux ancres noires", "Pourquoi faire simple quand on peut compliquer ?", "Ma double", "Adrénaline en Cochinchine" (paru in anthologie Orient extrême de l'association ImaJn'ère, 2020) & "Embarras de transit" (paru in anthologie Frontière(s) de l'association ImaJn'ère, 2019).
Citation
Petite silhouette sombre sur le revêtement luisant des trottoirs, il va d'un bon pas. Deux heures du matin ; temps de mars maussade, pluvieux, frisquet ; une nuit à ne pas traîner dehors. Toutes les putes ont déserté leur portion de bitume.