Gotham City : année un

La modiste jeta manu militari ses propres employées sur la chaussée. Il était temps ; les intrus avaient commencé à engager la conversation avec elles. Une fois l'entrée bien verrouillée, elle tourna vers la pire espèce d'envahisseurs qu'elle imaginait pouvoir affronter : sa famille.
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samedi 19 avril

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Comic - Noir

Gotham City : année un

Hard boiled - Enlèvement - Urbain MAJ mercredi 16 avril 2025

Note accordée au livre: 5 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 22 €

Tom King (scénario), Phil Hester (dessin)
Gotham City: Year One - 2022
Jordie Bellaire (coloriste)
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jérôme Wicky
Paris : Urban comics, octobre 2023
208 p. ; illustrations en couleur ; 29 x 19 cm
ISBN 979-10-268-2713-9
Coll. "DC deluxe"

Les racines du Mal

Dans les années 1940, Gotham City était encore une ville où il faisait bon vivre. Enfin, si vous étiez un Blanc du Northside vivant dans l'ombre bienveillante de Richard Wayne, grand entrepreneur local. Slam Bradley, ex-flic devenu détective privé se situerait plutôt au croisement des deux mondes, entre celui des Blancs et la population noire et déshéritée du Southside. D'où sa surprise lorsqu'il est embauché pour apporter un message signé d'un mystérieux Bat-Man à la famille Wayne : leur petite fille, la princesse de la haute société, a été enlevée et Slam vient de devenir, à son corps défendant, l'outil des ravisseurs. Entre une police raciste et corrompue et des notables loin d'être irréprochables, Slam va devoir partir à son tour à la recherche de la petite Helen, au risque de tout perdre.

Batman, on l'a souvent dit, est sans doute le comics le plus proche du roman noir hardboiled des origines, jamais aussi efficace que lorsqu'il décide de fouailler l'âme humaine plutôt que d'aligner les vilains costumés. Et de fait, ici, le Mal est bien humain, tragiquement banal, et aucun super-héros ne viendra restaurer l'ordre, Batman lui-même n'apparaissant qu'au détour de quelques pages pour recueillir les souvenirs d'un Slam Bradley moribond à propos de son propre grand-père. Plongée au plus profond de la noirceur, Gotham City : année un n'est pas, loin s'en faut, un coup d'essai pour Tom King qui, depuis des années, déconstruit les super-héros DC au spectre de la littérature noire (voir par exemple Rorschach ou Human Target), avec un goût certain pour les seconds rôles tel Slam Bradley, détective privé et aventurier proche d'un Doc Savage, créé par Jerry Siegel et Joe Schuster, les papas de Superman, et apparu dès le premier numéro de Detective Comics en 1937 avant de disparaître peu à peu de la galerie des personnages DC, jusqu'à ce qu'Ed Brubaker le lance à la poursuite de Catwoman au début du millénaire. Servi par le graphisme, tout en angles et en aplats colorés, de Phil Jester (El Diablo, Green Arrow...), King livre avec Gotham City : année un le récit glaçant d'une famille dysfonctionnelle et toute-puissante dont le destin se révèle parallèle à la rédemption impossible d'un policier blanc de peau mais noir de cœur et d'âme. Convoquant des ambiances proches de Dashiell Hammett ou de Mickey Spillane, il en fait un comics habité, d'un noir de plomb, au terme duquel il serait vain de vouloir chercher un quelconque happy end tant Gotham City n'a nul besoin de Batman ou de ses adversaires colorés pour être une vraie ville de roman noir, un miroir ténébreux tendu au monde des comics autant qu'au nôtre.

Citation

C'était une sacrée histoire. Si elle était vraie, alors nous étions tombés dans les égouts de la ville la plus propre du monde, au risque de nous noyer dans les réseaux souterrains où elle charriait ses déchets.

Rédacteur: Jean-François Micard mercredi 16 avril 2025
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