Succès mortel

On verra... En attendant, j'ai trois cadavres sur les bras et je me vois mal expliquer aux médias, qui nous roulent dans la boue du scandale, que tout ça... Ben... C'est de la faute à l'alchimie, messieurs dames les journalistes !
Éric Giacometti, Jacques Ravenne & Éric Albert - Le Frère de sang. 2/3
Couverture du livre coup de coeur

Coup de coeur

Éclipse totale
Harry Hole a été exclus de la police, ce qui ne l'empêche pas de couler des jours heureux, bouteille ...
... En savoir plus

Identifiez-vous

Inscription
Mot de passe perdu ?

samedi 27 avril

Contenu

Roman - Policier

Succès mortel

Vengeance - Assassinat - Whodunit MAJ mardi 28 mars 2023

Note accordée au livre: 5 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 7,5 €

Miranda James
Murder Past Due - 2010
Traduit du français par Guillaume Le Pennec
Paris : J'ai lu, janvier 2023
387 p. ; 18 x 11 cm
ISBN 978-2-290-38834-1
Le chat du bibliothécaire, 1

Ce qu'il faut savoir sur la série

Charles Harris, natif d'Athena, dans le Mississippi, revient s'installer dans sa ville natale après avoir mené sa carrière de bibliothécaire à Houston. Veuf, père de deux enfants adultes, Sean et Laura, il vient s'y installer après le décès prématuré de son épouse Jackie et occupe la maison dont il a hérité de sa tante Dottie... avec Azalea, la gouvernante au caractère bien trempé qui pour rien au monde n'aurait laissé Charlie livré à lui-même. La demeure est assez grande pour qu'il puisse louer une chambre à un étudiant...et y héberger son chat Diesel, un maine coon qu'il a recueilli chaton et qui, dans le premier volet de la série, est âgé d'environ 2 ans.
Charlie est employé à temps partiel à la bibliothèque de l'université, et assure deux fois par semaine des fonctions bénévoles à la bibliothèque municipale. Confronté à diverses affaires criminelles - ce qui l'amène à avoir affaire à l'agente Kanesha Berry, adjointe au bureau du shérif, qui n'est autre que la fille d'Azalea - il est le narrateur de ses propres aventures.

Au quart de poil (de chat)

Que le titre de la série "Le chat du bibliothécaire" – "The Cat in the Stacks Mysteries" en version originale – n'induise pas en erreur : nous ne sommes nullement dans le domaine de la fable animalière où le chat serait le héros et le bibliothécaire un invité d'arrière-plan dont le rôle serait réduit à la portion congrue. Nous ne sommes pas non plus dans un roman où, au milieu de protagonistes humains confrontés à une énigme, des animaux doués de parole enquêtent, investiguent, dialoguent... tout en conservant les habitus propres à leur espèce – je pense notamment à une série policière de l'Américaine Rita Mae Brown, où l'héroïne n'est pas tant l'employée des postes Mary Minor Harry Harristeen que sa chatte Mrs Murphy qui, avec sa compagne la chienne Tee Tucker et d'autres chats et chiens de Crozet, en Virginie, joue les détectives à l'insu des villageois, aux yeux desquels tout ce petit monde à quatre pattes ne fait rien autre que se comporter comme des animaux "normaux". Rita Mae Brown, d'ailleurs, pousse l'anthropomorphisme jusqu'à établir comme co-auteure de sa série sa propre chatte, Sneaky Pie Brown !

Rien de tel ici. Ce récit à la première personne est écrit par la seule Miranda James et a pour seul et unique narrateur Charles Harris, dit Charlie, bibliothécaire de son état. Son chat, Diesel, bien qu'étant hors du commun – mais quel chat n'est pas "très spécial" du point de vue de son humain ?... – n'est à aucun moment tiré de son état "chattesque". Il tient sa place de compagnon choisi/choyé et seulement cette place-là – une place... de taille tout de même vu que Diesel est un maine coon, une espèce dont les représentants sont particulièrement imposants et suffisent, par leur aspect, à monopoliser l'attention. Tel Diesel, tout au long du roman. Qui pour autant n'est pas érigé en détective de choc, ni en sauveteur providentiel au mépris de toute vraisemblance. Il est en revanche un consolateur hors pair, et cette vertu de réconforter les humains est bel et bien reconnue aux chats dans la "vraie vie". Quant à la manière dont Diesel est campé, rien que de très félin même lorsque Charlie pense "qu'il ne lui manque que la parole" : n'importe quel humain un tant soit peu intime avec son chat sait combien un regard, une inclinaison de tête, une posture... peuvent être proches des nôtres et donnent parfois cette impression qu'en effet il va se mettre à parler. Nul anthropomorphisme mal placé dans ce sentiment mais un banal constat à la portée de tout un chacun, félinophile ou pas, observant un chat de près. Et rien dans ce qui est décrit des rapports entre Charlie ou les autres personnages et Diesel n'excède ce cadre-là.

C'est donc Charlie qui mène le récit. Après avoir mené sa carrière à Houston, le voici revenu à Athena, dans le Mississippi, installé dans la maison héritée de sa tante dont il loue une chambre à Justin, le fils d'une de ses amies de lycée, inscrit à l'université locale. La vie est un fleuve à peu près tranquille pour ce bibliothécaire félinophile, heureux de travailler au milieu des livres et n'appréciant rien tant que la quiétude routinière d'une existence bien réglée. Cette tranquillité vole en éclats le jour où Godfrey Priest fait irruption dans son bureau. Ce célèbre auteur de romans policiers dont les livres se vendent à des milliers d'exemplaires est lui aussi natif d'Athena, mais il n'a pas laissé que des souvenirs heureux à ses condisciples – on pourrait même dire qu'il a cultivé un art de se faire haïr que sa notoriété n'a en rien diminué, au contraire... Aussi Charlie est-il assez surpris de sa visite. Laquelle s'avère d'ordre professionnel puisqu'il souhaite léguer à l'université l'ensemble de ses archives qu'il incombera à Charlie de cataloguer. Mais il y a un motif plus intime : il annonce à Charlie être le père biologique de Justin, et qu'il a l'intention de le lui révéler. Or la levée de ce vieux secret suscite bien des émois. Quant à savoir si c'est à cause de lui que Godfrey est retrouvé mort dans sa chambre d'hôtel, "l'arrière du crâne en charpie", c'est à Kanesha Berry, adjointe au bureau du shérif, et à ses collègues enquêteurs qu'il reviendra de le déterminer. Avec l'aide de Charlie.

Il n'y a pas que la part féline du récit, et les rapports entre Diesel et les humains qui soient frappés de cette justesse remarquable : les personnages le sont également, autant dans leurs attitudes, leurs réactions, que dans leur façon de parler, de dialoguer. De même que la posture du narrateur : jamais le récit ne lui prête un point de vue incompatible avec l'emploi de la première personne – ce qui se déroule en son absence et dont, par définition, il ne peut avoir connaissance n'apparaît pas et reste pareillement insu du lecteur. Il ne se répand pas non plus en détails sur ce qui lui est familier et dont on sentirait qu'ils sont convoqués à la seule intention du lecteur : l'équilibre est parfaitement trouvé entre ce que ce dernier doit savoir et ce que Charlie peut formuler en son for intérieur sans que cela sonne faux.

Outre que l'on a une intrigue passionnante, riche en rebondissements mais sans que ceux-là défient outrageusement la vraisemblance, on a affaire à un récit juste de ton, cohérent jusque dans les détails narratifs les plus fins, d'un style simple et soigné. Premier volume d'une série qui, à ce jour, en compte une vingtaine, Succès mortel est, aussi, un parfait roman d'exposition, où le narrateur et personnage principal tisse habilement un avant-récit en retraçant son passé au gré de souvenirs dont l'intrigue appelle l'évocation. L'on apprend ainsi de sa jeunesse à Athena, des lieux où il a vécu et travaillé avant de revenir dans sa ville natale, de son veuvage, de l'entrée de Diesel dans sa vie... Tout un contexte intimiste, donnant le sentiment, ici et là, à la faveur d'une rencontre ou d'un événement, de feuilleter un vieil album photo.

Une intrigue bien ficelée, un ton juste, une écriture qui se lit sans encombre et l'ensemble couronné par cet "effet miroir" toujours jubilatoire quand il est bien maîtrisé, qui place au cœur d'un polar un auteur de polars... Tout est réuni pour que ce Succès mortel soit un succès... mais "de librairie" !

Citation

C'était un animal très sociable, qui n'avait toutefois que peu de patience avec la bêtise des autres. Un trait de caractère que, à titre personnel, je trouvais très attachant.

Rédacteur: Isabelle Roche vendredi 17 mars 2023
partager : Publier dans Facebook ! | Publier dans
MySpace ! |

Pied de page