Réfugiée en Australie où elle aspire à vivre à l'abri des regards, Léna est pourtant rattrapée par Paul-Marie de Calluire, qui lui avait confié sa précédente mission. Avec difficulté, il réussit cette fois à la convaincre d'infiltrer un groupe islamiste à la recherche d'une femme non-musulmane pour sa prochaine action d'envergure. Après plusieurs jours de briefing à Sydney, elle est envoyée à Tbilissi, où elle doit convaincre son contact qu'elle est bien cette mercenaire spécialiste des coups de force au service de la cause islamiste… moyennant un salaire prohibitif. Étape passée sans coup férir. Léna se retrouve alors en plein désert dans un camp d'entrainement djihadiste où elle va bientôt avoir à former trois jeunes femmes désignées pour un attentat suicide à Paris…
« Le Long voyage de Léna » se poursuit donc, et il passe cette fois par une immersion dans les milieux islamistes. Comme dans le premier volume, Pierre Christin expose longuement les motivations et modus operandi des protagonistes de son histoire : Léna, d'un côté, toujours à la recherche d'une voie qui lui permette de rester en vie, et, de l'autre, ses ennemis désignés du moment, un groupe extrémiste très structuré et organisé. Aux antipodes de fictions cinématographiques où la figure de l'espion est constamment dans l'action la plus violente et la plus débridée, Christin, en maître du récit d'espionnage, a créé avec Léna une série à la crédibilité renforcée : son héroïne n'est ni Jack Bauer, ni Jason Bourne, et il est beaucoup plus facile de suivre le scénariste sur les pistes qu'il ouvre pour la réflexion de ses lecteurs.
C'est par exemple avec une grande justesse qu'est abordée dans ce volume la question du conditionnement de l'être humain voué à devenir martyre pour sa cause. Les moments-clé de cette mise en condition sont finement décrits, et Christin y confronte le lecteur via la position d'observatrice active de son héroïne. Il fallait pour cette série emprunte d'une profonde introspection un dessinateur sur la même longueur d'ondes, et ce fut donc André Juillard. Son trait apaisé, l'atmosphère presque contemplative qui se dégage de la lecture, font de Léna une série vraiment originale et à la justesse de ton infinie.
Léna se retrouve seule, en Russie à l'issue de sa mission, et on se prend à espérer une troisième histoire au cœur de la Russie de Poutine, pour une « partie de chasse » du XXIe siècle…