De nombreuses périodes historiques ont été le théâtre d'intrigues policières avec plus ou moins de talent. La collection « Grands détectives » des éditions 10-18 a depuis longtemps défriché de nouvelles périodes, éloignées dans le temps – les premiers Russes, l'époque carolingienne, etc. -, ou dans l'espace – les aborigènes australiens. D'autres moments clés de notre Histoire peuvent paraître nettement moins « glamour », aussi il convenait de regarder avec attention cette série qui met en scène un policier dans une URSS flageolante où Staline n'a pas encore assuré son pouvoir de manière stable : des forces d'opposition réactionnaires ou révolutionnaires sont encore présentes, le régime essaye d'assoir une légitimité que les famines successives ont du mal à faire passer. Des balbutiements que l'on retrouve à tous les niveaux : conflits entre les diverses forces de police plus ou moins politisées, début des investigations « modernes » – autopsie, empreintes…
Le personnage central, Korolev, est un inspecteur lui aussi en prises avec les ambigüités du temps : intègre et consciencieux, il a fait la révolution du côté bolchevique, mais doit masquer qu'il croit profondément en Dieu. Le voilà obligé de se prendre les pieds dans une enquête qui fleure bon les ennuis : une jeune actrice est retrouvée morte lors d'un tournage. Seul souci est pas des moindres, le film est censé être un grand film de propagande et elle était la maitresse d'un homme politique de premier plan. Un suicide étrange qui l'emmène en Ukraine à la rencontre de l'écrivain Babel (tout un programme), et du roi des voleurs Kolya. Tous deux sont des amis chers avec lesquels il va aussi découvrir des paysages ravagés par la guerre.
Le lecteur retrouvera dans ce volet ce qui fait la signature de la collection : soins apportés aux détails historiques, dialogues explicites quant aux enjeux, intrigues policières qui laissent la part belle aux aventures (l'enquête ici se complique avec l'introduction d'une bande de voyous et des trafics d'arme pour déstabiliser le régime), et à des développements plus sentimentaux. La période se suffit à elle-même pour définir le cadre de noirceur d'une enquête de forme et de fond très classique mais captivante.