Un homme dans la campagne de l’East Sussex du XIXe siècle est aux abois. Il fuit. Quelque part sur la route, un autre homme l’attend. Le premier, c’est Andrews. Il a trahi le second, Carlyon, un contrebandier qu’il a « donné » aux douaniers. Aussi, est-il persuadé que Carlyon veut se venger et le tuer. Rebroussant chemin, il arrive à la maison d’Elizabeth, qui veille la dépouille de son « père adoptif ». Il se terre dans une remise attendant qu’elle le trahisse à son tour. Mais Elizabeth est une femme à poigne. Elle ne le trahit pas. Mieux que ça : elle convainc Andrews d’aller à Lewes témoigner contre les marins de La Belle équipe. Là-bas, pour se donner du courage, il entre dans une auberge, se lit d’amitié avec un homme et boit verre sur verre. Plus tard, il tombe entre les bras d’une prostituée. Le procès est une farce. Les contrebandiers sont relâchés. Lui repart dans l’autre sens, fuyant. Ses pas le ramènent jusqu’à la ferme d’Elizabeth où il attend le verdict de Carlyon. Car Carlyon et ses hommes vont se venger, c’est sûr. L’attente est interminable. L’issue improbable.
Écrit en 1929 et proposé dans une nouvelle traduction, Deux hommes en un est le premier roman de Graham Greene. Loin de la teneur de ses romans d’espionnage, cette œuvre classique a été un vif succès à sa parution, l’établissant dans le monde littéraire. Roman psychologique par excellence, Deux hommes en un est une étude de trois personnages dans des décors minimalistes. Le personnage d’Andrews est un modèle de personnage dostoïevskien avec ses faiblesses, ses errements et son envie de s’autoflageller. Celui d’Elizabeth est un modèle de vertu. Une vertu pas toujours vertueuse (puisque parfois à l’encontre de la morale) pour une femme qui se veut libre et maîtriser sa vie. Enfin, celui de Carlyon, l’homme trahi, père de substitution d’Andrews, ne se révèle qu’à l’occasion des dernières pages. En effet, pendant l’essentiel du roman, son personnage n’est esquissé que par Andrews. Ses actes semblent témoigner que Andrews voit juste en lui, mais les actes peuvent être trompeurs. Quant à Andrews, l’auteur s’attache à décrire cette éternelle dualité en lui qui est responsables de ses errements même lorsqu’il comprend qu’il est tombé amoureux. Le roman, lui, se découpe en trois parties : la campagne-la-ville-la campagne atteignant son apogée en ville où toutes les errances et les interrogations d’Andrews semblent amplifiées. Graham Greene maîtrise parfaitement, dans cette œuvre de jeunesse, la psychologie mouvementée de ses personnages dans une tonalité légèrement désuète. Psychologie qui ne peut aboutir qu’à un drame.