La mode du polar marseillais pittoresque pour faire rire les Parisiens (menée à son corps bien défendant par le regretté Philippe Carrese) est enfin terminée, ce qui ne veut pas dire que les auteurs marseillais, ou inspirés par la ville, ne peuvent s’exprimer… Ici, il est agréable de voir que les auteurs ne se sont pas sentis bridés par le décor, préférant s’en servir plutôt que l’inverse : il n’est souvent qu’une toile de fond ponctuée de très jolies photographies légendées. On retrouve dans cette vingtaine de nouvelles parfois très courtes toutes les couleurs du noir avec ses personnages archétypaux, mais aussi bien des variantes : Gilles Del Pappas (qu’on ne présente plus…) offre un récit aux limites du fantastique sur la mort d’un poète maudit, Mathieu Croizet (qui a bien évolué depuis ses premiers textes) une vision saisissante d’un dilemme de l’avocat qu’il est, Thierry Agulla donne dans le feuilleton, Flora Del Sol offre une pochade autour d’un massacre en plein Printemps du Polar qui a l’élégance de s’arrêter au moment où il pourrait virer à la blague pour initiés. Et ce n’est pas tout ! Certains auteurs montrent la beauté de leur plume, parfois carrément poétique (Bruno Carpentier s’essaie avec succès au poème en prose, absolument saisissant), Maurice Gouiran (qu’on ne présente plus non plus) offre une pure nouvelle à chute, de celle qui coupent le souffle, dûment mâtinée d’humour noir, Loïc Nicoloff un audacieux récit éclaté. Catherine Pasquet, elle, ose titiller l’imaginaire (préciser le genre précis serait déflorer) se concluant par une mise en abyme extraordinaire. Mireille Sanchez, quant à elle, tisse un récit à base d’assassinat, mais avec un mobile original qu’on vous laisse découvrir ! Quant à Valérie van Oost, elle prend un sujet très utilisé (normal puisqu’il ne cesse malheureusement de faire l’actualité), les violences conjugales, pour une de ces chutes aussi inattendues qu’évidente qui fera peut-être grincer quelques dents. Mais si, jetons l’éponge : il faudrait citer chaque nouvelle de cette anthologie, puisque comme on l’a dit, il n’y a là rien à jeter, chacune étant une réussite à sa façon toute différente. Et si la nouvelle des élèves de CM1 de l’école Saint-André-Condorcet qui clôt le volume, sans être déshonorante, peut faire sourire à côté de ces perles, elle prouve au moins que la relève est assurée… Si vous en avez assez des best-sellers débilitants, dégustez ces nouvelles qui, toutes, secouent et font du bien comme un espresso bien tassé. Eh oui, la bonne littérature, noire ou autre, est aussi celle qui remue et réveille…