Comme toute agence de détective privé, celle de George Amer et de son associée Torpédo — ex-traductrice manchote et racheteuse du fonds de l’agence, diplômée d’une école d’enquêteurs mais manquant d’expérience —, connaît des haut et des bas. Heureusement, une cliente s’annonce : Lizzie Fleur, une artiste-peintre née Assoumline, vivant avec sa sœur Grâce dans une grande maison de l’île Barbe, à Lyon, au bord de la Saône. En effet, par deux fois, elle a vu une mystérieuse femme ressemblant à un fantôme traverser leur cour. Son instinct lui souffle que ce n’est pas qu’une simple violation de domicile, surtout que l’inconnue n’avait nulle part où aller. Torpédo se met en planque dans l’atelier de l’artiste, en vain, si ce n’est pour constater l’étrange atmosphère de cette grande baraque. Lorsqu’elle est surprise par Grâce revolver au poing, la détective pense en avoir fini avec cette histoire. Sauf que le fantôme revient, et cette fois, les deux sœurs l’ont vue. Guidée par l’odeur, Torpédo trouve bien la rôdeuse au grenier, mais à l’état de cadavre. Et manifestement, Lizzie la connaissait, même si elle ne veut rien en dire. Amer, lui, est bien décidé à découvrir son identité. Est-ce vraiment juste une camée en mal de squat ? L’histoire aurait-elle un rapport avec le décès mystérieux des deux filles respectives des deux sœurs ? Les vieilles familles cachent bien des secrets, voire des squelettes dans bon nombre de placards…
Chagrin noir signe le retour de l’auteur pour son troisième roman. L’Œil cyanure présentait le personnage idiosyncratique de George Amer. Cette fois, celui-ci est flanqué de son assistante Torpédo. Par conséquent, l’intrigue est racontée par deux narrateurs avec chacun une personnalité distincte, complexe et attachante. Et si Gérard Laveau prend tout son temps pour installer une ambiance, loin des chapitres égrenés à la mitraillette des thrillers industriels, on ne parlera certainement pas de longueurs. Une intrigue dûment complexe tel qu’aurait pu en concevoir un Georges-Jean Arnaud dans ses meilleurs jours dont, sans trop déflorer, nos enquêteurs ne sortiront pas intacts… L’Œil cyanure avait déjà un ton bien particulier, là, on sent que l’auteur, loin de s’endormir sur ses lauriers, s’est encore amélioré. Il y a là ce qui manque le plus souvent, une personnalité, ainsi qu’une écriture à la fois limpide et très travaillée qui ferait rougir bien des auteurs jusqu’à une fin de toute beauté.