Devenue Orpheline, Edmée, jeune demoiselle bruxelloise, est recueillie par une branche flamande de la famille qui habite aux Irrigations. Les Irrigations, un vaste domaine traversé par un canal. Edmée ne parle pas flamand et quand elle arrive, le patriarche est mort, laissant la propriété aux mains de Fred, l’aîné, vingt et un ans (Jef, le cadet en a dix-neuf). Dans cette atmosphère pesante, Edmée traîne son spleen. Mais à partir du moment où elle sait que Jef chasse les écureuils pour les écorcher, elle se rapproche de lui. Dans le même temps, Fred se fait de plus en plus pressant. Edmée, pour s’en sortir, joue à un jeu dangereux avec les deux frères, faisant croire à l’un ce qu’elle ne veut pas accepter de l’autre. Les jours se succèdent avec une monotonie rythmée par la pluie, la grisaille, les petits accidents du canal jusqu’au jour où un drame touche de près le trio infernal : un petit enfant du voisinage est tué accidentellement par Fred. Accident qui touche terriblement Edmée. L’enfant enterré dans le plus grand secret, plus rien ne sera comme avant, et Edmée n’a plus qu’un rêve : sortir de cette campagne, retourner à la ville à n’importe quel prix. Au prix de sa vie ?

Le départ d’Edmée de Bruxelles pour Les Irrigations
L’adaptation en bande dessinée de ce roman de Georges Simenon paru en 1933 est magnifiée par le trait tout en douceur d’Édith (talentueuse dessinatrice avec un style qui lui est propre). On tourne les pages avec langueur, on suit la monotonie du climat et des jours gris que l’on subit. On a hâte d’arriver en été. Là, les pages prennent une autre teinte, plus chaleureuse. Mais ce qui détone, c’est bien la silhouette d’Edmée, jeune femme impassible, qui supporte tout sans rechigner, qui s’impose l’air de rien (elle ne participe pas ou très peu au taches ménagères, elle ne fait rien comme les autres femmes de la maison mais pourtant elle ne se les met pas à dos). Edmée est un archétype de la femme fatale, ici tout le temps vêtue de noir. Le scénario planté par José-Louis Bocquet se focalise sur un quatuor de personnages (à Fred et Jef on peut ajouter Mia) qui ont des envies d’évasion. Comme souvent avec Simenon, les personnages ont des trajectoires immuables qui vont les amener à l’inéluctable. C’est vrai ici. Et Édith et Bocquet rendent merveilleusement bien l’atmosphère de cette intrigue.