Maux fléchés

À la suite vient le vin d'honneur coutumier. Le Boss a plusieurs fois confié à Gustave qu'il s'agit selon lui des moments les plus importants des campagnes, boire un verre, même si on n'en a aucune envie, pour ne pas paraître bégueule, tenir des discussions animées avec des hommes et des femmes qu'on ne reverra probablement jamais, même si on n'a rien à leur dire, paraître à tout moment intéressé et intelligent, ouvert et souriant, séduire sans être pour autant trop proche, sans pour autant que ça se voie, voilà quelle est la gageure, celle que neuf candidats sur dix ne parviennent pas à surmonter. Les journalistes et les médias n'en ont que pour le fond. Le programme, les idéologies, les idées. Ils oublient que le fond, tout le monde ou presque s'en moque. Ce qui fait le vainqueur, ce qui les départage, c'est uniquement la forme. Le sourire, les bises, les attitudes. La tenue de la fourchette et la façon de trinquer.
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jeudi 21 novembre

Contenu

Roman - Noir

Maux fléchés

Social - Faits divers MAJ samedi 30 juillet 2011

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Voir plus d'infos sur le site livresque-du-noir.fr (nouvelle fenêtre)

Alain Bron
La Celle-Saint-Cloud : In Octavo, mai 2011
298 p. ; 22 x 15 cm
ISBN 978-2-84878-119-8

Actualités

Choc des cultures

Souvent les intrigues policière avancent, non pas par la pure volonté des protagonistes, mais par une suite de hasards, ces mêmes hasards que vantaient tant les surréalistes. Avec Maux fléchés, Alain Bron, provoque une suite d'aventures des personnages de son histoire à partir d'un hasard de nature étrange.

Tout débute avec un vieux paysan protestant ardéchois qui est accusé du meurtre d'un nouvel arrivant dans le village. En prison, il se trouve confronté à l'arbitraire de l'administration et à la jungle humaine. Au milieu, il y a surtout ce chef de bande qui cherche à s'évader.
Parallèlement à cette première intrigue, l'enquête d'un journaliste amateur, plus Rouletabille que Rouletabille, spécialisé dans la création de grilles de mots croisés et de sudokus, qui a décidé, en bon voisin, d'aider le paysan ardéchois à prouver son innocence.

Par delà l'enquête policière, qui, sans être anecdotique, n'est pas le cœur de cette histoire, ce qui importe à Alain Bron, c'est le soin qu'il met à nous présenter un choc de civilisations. Choc tout d'abord entre le journaliste qui essaye de s'intégrer et ses voisins. Alain Bron nous peint une ruralité ardéchoise profonde, marquée par le protestantisme, un protestantisme obligé de se cacher. Se développent des mentalités aiguisées par les souffrances des siècles passés et qui pèsent encore, mais en même temps, le sens du travail, de la valeur matérielle.
D'autre part, à travers le regard du paysan emprisonné qui doit partager sa cellule avec des truands et des personnages peu recommandables (son compagnon de cellule est peut-être un pédophile), ses longues réflexions sur les travaux des champs, sur l'immuabilité du temps, c'est aussi une façon intelligente de nous présenter le fossé profond qui existe entre la France profonde, rurale, calme - qui sait qu'elle possède le temps pour elle -, et une France plus excitée, plus rapide.
Le roman propose même le portrait de l'épouse du paysan qui se bat pour son époux mais qui continue à travailler à la ferme, tout en priant pour la femme du voisin mort dont on va s'apercevoir que sa vie est compliquée, à l'image des familles des nouvelles générations.

Sans sombrer dans le pétainisme, ce qui serait là un odieux raccourci, Maux fléchés ausculte la société française en mettant l'accent sur une partie souvent oubliée, ou moquée, ou mythifiée, mais en la présentant comme une façon de vivre éloignée, exotique et étrange dans sa fidélité même à celle de nos ancêtres, le tout dans un récit qui sait mixer un humour bon enfant et des péripéties intelligentes.

Nominations :
Olives noires 2012

Citation

Tout ce gâchis à cause d'un voisin qui confondait travail avec à peu près, éducation avec dressage et propriété avec jalousie.

Rédacteur: Laurent Greusard lundi 23 juillet 2012
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