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Inédit
Tout public
Traduit du russe par Yves Gauthier
Arles : Actes Sud, février 2012
524 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-330-00245-9
Coll. "Actes Noirs"
Actualités
La guérison par l'ablation
Parfois certains romans tournent en rond, et contrairement à ce que l'on pourrait penser, c'est cela qui fait leur charme. C'est d'ailleurs le cas avec ce deuxième volet de "La Trilogie du Caucase" de Julia Latynina - nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions du premier volume, Caucase Circus.
Tout tourne déjà autour d'un ancien attentat qui a détruit une maternité et ses occupants dans un petit État du Caucase qui oscille entre l'ogre russe, sa volonté de rester sur place et les tendances indépendantistes (elles-mêmes découpées en deux branches, des indépendantistes modérés et des terroristes qui veulent appliquer la charia). Mais qui est réellement responsable de la mort des enfants et des nourrissons ? Les indépendantistes qui ont préparé les bombes, les islamistes qui se sont introduits dans la maternité, les forces de l'ordre qui ont provoqué l'assaut fatal ou les Maîtres du Kremlin qui ont peut-être laissé pourrir la situation voire ont manipulé tous ces groupuscules ? En tout cas, un des indépendantistes a décidé que tous les responsables paieraient pour la mort de ces innocents.
Toutes ces pistes s'organisent à travers des personnages emblématiques (dont certains sont d'anciennes connaissances) des différentes organisations citées. Restitués dans leur complexité (le chef des terroristes religieux est un personnage attachant qui essaye de conserver une certaine dignité) et une intrigue qui relate des nouvelles "élections" pour choisir un nouveau président, entre les intrigues, les corruptions et de fréquents retours en arrière sur le passé des protagonistes.
Julia Latynina montre une situation géopolitique complexe qu'elle rend avec soin, ses positions d'opposante en première ligne à Poutine lui permettant de comprendre des éléments intéressants, ne négligeant pas les arrières-plans, ne simplifiant jamais entre les bons et les méchants. Son récit qui oscille entre la violence assumée de tribus et la violence "cachée" des Russes (on comprend mieux ce qu'il fallait entendre par le côté oriental du pouvoir européen russe !), entre des développements réalistes qui, par la démesure des personnages (vraiment des Seigneurs de guerre ou des pourris de première force) atteint une dimension rabelaisienne (des soldats qui assomment des soldats de leur propre unité pour les vendre aux Tchétchènes qui les négocieront à leurs familles contre rançon !).
De fait, le roman en revenant en cercles sur les mêmes événements ne relate pas tant une histoire qui tourne en rond qu'un récit qui se base sur la lente plongée tourbillonnante dans un entonnoir ou un évier, comme aspirée par le vide, dans une atmosphère de tragédie contemporaine forte et prenante, où les héros sont pris entre leur fidélité, leurs aspirations et ce qu'ils doivent représenter pour leur communauté. La fin de cette trilogie va se faire attendre.
Nominations :
Grand prix de la littérature policière - roman étranger 2012
Citation
Quant à savoir de quel œil la population accueillerait la nomination d'un président dont le père avait été supplicié par le peuple pour viol, le Kremlin s'en contrefichait, qui en voyait qu'un seul inconvénient à sa candidature : l'homme n'avait pas les moyens d'acheter sa fonction.