J'étais tueur à Beckenra City

Il se considérait seul fautif étant donné qu'il n'avait pas le courage d'assumer ça, qu'elle soit totalement cinglée, se refusant à la mettre sous tutelle parce qu'il lui semblait que, grosso modo, elle était autonome, mangeait bien, agissait de manière convenable, bref, qu'elle tenait la route, et qu'en dépit des traumatismes subis ces dernières années, elle avait plutôt bien réagi et semblait en voie de guérison, mais voilà que ça recommençait, elle voyait des nains partout.
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Roman - Noir

J'étais tueur à Beckenra City

Tueur à gages - Urbain MAJ vendredi 25 mai 2012

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 20 €

Hugo Buan
Saint-Malo : Pascal Galodé, avril 2012
264 p. ; 25 x 16 cm
ISBN 978-2-35593-170-3

Bienvenue à B. C.

Avec ce quatrième roman, Hugo Buan continue de se faire un chemin dans le polar hexagonal, quelque part entre Laurent Fétis (pour le style d'une précision chirurgicale) et Nadine Monfils (pour le sens du tragi-comique, quoique en moins belge), avec cette fois un petit air de picaresque typiquement latin. Inutile de chercher la "monarchie démocrate" Beckenra City sur une carte, elle n'existe pas, et pourtant, Hugo Buan nous la fait toucher du doigt, mélange de high-tech pompeux à la Brazilia et de sordide bien dissimulé. La ville-monstre est une des figures du polar et la liberté de la fiction fait que, pourtant, elle en devient excessivement présente dans ce récit. Comme le dit le titre, c'est ici qu'officie Léonard, chasseur privé du juge Laupper, en ce microcosme où la corruption est omniprésente. D'une certaine façon, sa progression d'enfant des rues retrouvé amnésique à seize ans et son itinéraire jusqu'au monde des tueurs à gage est classique, mais au moins crédible : ni le personnage, ni l'auteur ne se/lui cherchent des excuses, ni une quelconque rédemption. Le personnage est et fait ce qu'il fait, tout simplement. L'intrigue simple — Léonard est envoyé tuer une juge, mais tout ne se passe pas comme prévu — est une occasion pour un roman atmosphérique, d'une moiteur tropicale, en contraste avec la froideur du personnage qui n'a aucun des gimmicks habituels censés montrer son "côté humain". C'est aussi toutes sortes de scènes parfois grotesques au sens premier du terme (la claustration du héros dans une cave tenue par des bourreaux dignes d'un film de Federico Fellini) au gré d'un scénario beaucoup mieux tenu qu'il en a l'air. Bref, Hugo Buan part d'une situation archétypale pour en tirer un univers personnel, très sud-américain dans l'esprit, et un portrait assez saisissant d'une société en déliquescence. Ceux qui veulent des intrigues taillées au cordeau avec chapitres courts à ingurgiter entre deux stations de métro et meurtres à la pelle peuvent passer leur chemin (bien que le roman ne manque pas de scènes d'action), ceux qui préfèrent se perdre dans un labyrinthe urbain et psychologique qui ne s'évapore pas une fois le roman refermé peuvent faire un tour par Beckenra City...

Citation

Lorsque les tuyaux d'échappement exhalent des vapeurs de Chanel numéro 5 et que les poubelles empestent le caviar, c'est louche.

Rédacteur: Thomas Bauduret samedi 19 mai 2012
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