Criminels ordinaires

La RealiSim, c'est en somme le visage moderne du divertissement pascalien, le dernier artifice qu'a imaginé le siècle pour nous faire oublier notre condition. Si l'on estime peu raisonnable de passer tout le jour dans un univers qui n'existe pas, c'est que l'on ne connaît guère la nature humaine, dirait aujourd'hui le philosophe. Les métavers ne nous garantissent pas de la mort et de la misère, ils nous dispensent d'avoir à y penser, l'espace de quelques heures. En cela, ils fournissent à une poignée de firmes transnationales leur légitime raison d'être : nous vendre du rien.
Frédéric Delmeulle - In Cloud We Trust
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Nouvelle - Noir

Criminels ordinaires

Social - Urbain - Faits divers MAJ mardi 12 février 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 15 €

Larry Fondation
Common Criminals - L.A. Crime Stories - 2002
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Alexandre Thiltges
Paris : Fayard, février 2013
156 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-213-65563-5
Coll. "Littérature étrangère"

Pentes fatalistes

Larry Fondation en vingt-cinq nouvelles pointe du doigt le paradoxe des États-Unis. Dans les quartiers déshumanisés de Los Angeles, il s'ingénie à faire évoluer des âmes exacerbées, qui n'en ont que foutre et qui ne s'en privent pas. Il faut bien dire que ces criminels ordinaires aiment s'astiquer ou se faire branler. Qu'ils privilégient une fellation sanglante et détonante avec des partenaires aux ongles surdimensionnés qui n'aiment rien de moins que de tracer des sillons parallèles aux veines qui irriguent ce membre turgescent. Est-ce une obsession de l'auteur ? Peut-être bien, car il s'en trouve même un pour éjaculer sur les godasses d'un flic lors d'une manifestation. Mais tous ne passent pas leur temps à se branler. Il y en a qui boivent, qui mangent, qui jouent au billard, qui reboivent, qui remangent et parfois baisent, dorment et dansent, mais avec une violence sous-jacente qui ne demande qu'à exploser. L'important selon l'auteur reste d'être poli. La politesse chez Larry Fondation est contiguë à cette même violence. Elle la précède ou la suit, son absence conduit à l'excès. Elle s'accompagne généralement d'une incompréhension muette, et d'un refus de tractations même - surtout - devant l'irrémédiable. Mais il ne faut surtout pas croire que ces chroniques se résument à sexe, biture et baston (on se doit de noter l'étonnante quasi absence de drogue). Si le nouvelliste mène ses personnages par le bout de la queue, il les accompagne d'un certain fatalisme. Ils vont cahincaha à la rencontre de leur sombre destinée sans même songer à se rebeller pour prendre un chemin de traverse qui pourtant se présente à eux - à quelques exceptions près. Car tous ont ce point commun : ils savent à quel moment ils se trouvent face à un choix crucial. Et presque tous font le mauvais choix, celui de l'abandon d'une lutte pour une reconnaissance sociale. Sauf pour ce chômeur qui se retrouve à travailler dans la restauration car il était présent au moment de l'arrestation du gérant des lieux et que, voulant sauver ses œufs qui cramaient sur le feu, il a revêtu un tablier... Là, seulement témoin du crime profitant fatalement du rêve américain, mais œuvrant tout en passivité. Celui auquel n'accèdera pas cet autre homme qui dans un souci de solidarité aura fait don de sa pièce de cinq cents fétiche... Larry Fondation s'amuse de ces petits hasards dans la vie ordinaire de gens ordinaires, dans la veine des grands auteurs américains de nouvelles avec un style qui est faussement désabusé et, que la nouvelle fasse quelques lignes ou une dizaine de pages, manie un art magistral de la chute brutale.

NdR - Le recueil comporte les nouvelles suivantes : "Cocu", "Match nul", "De force", "Hilfiger", "Cocu II : une histoire de bar", "Conduire des voitures", "Pas désiré", "Agitation sociale", "Histoire générique", "Histoire de bar n° 3", "Sombre ; sale", "Ennemi solitaire", "Droits des animaux", "Accidents", "Petits trucs", "Maquillage", "Expulsion au petit déjeuner", "Histoire en 74 mots", "Mauvaises herbes", "Marchandise volée",j "Supérette", "Gin and Juice", "Indignité", "Josie Blue Light" & "Essayer de choper le SIDA".

Citation

Je demande de l'argent à un sans-abri. Il me donne 50 cents. Deux pièces de 25 cents. Je les dépense dans un peep-show.

Rédacteur: Julien Védrenne jeudi 07 février 2013
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