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Ta mort sera la mienne
Grand format
Inédit
Tout public
Faucons du soleil couchant
Avec ses romans de fantasy, Fabrice Colin s'avérait être l'un des plus anglo-saxons écrivains français contemporains, réanimant les mânes de Shakespeare, mais il lorgnait aussi du côté des États-Unis et avait perpétré quelques romans de qualité sur cette partie du monde, à tel point que l'on pouvait croire qu'il s'agissait de traductions d'un auteur américain. S'inscrivant maintenant dans le cadre du thriller, il décide de jouer sa partition à partir de thèmes connus comme le tueur de masse, la fascination pour les armes, les motos et les grands espaces, la redécouverte de ce gang primordial que forment les Hell's Angels, les policiers obnubilés par leurs fautes passées et désireux de se racheter, la quête des origines familiales, et la secte pédophile. Tout cela pourrait sembler un peu "too much" mais dans un style maîtrisé, froid (et qui paradoxalement crée une empathie très forte avec l'ensemble des personnages, comme dans un tableau de Hopper), servi par un présent de narration et différents choix d'apostrophes du lecteur (le récit passe du "il" au "tu") qui atteint ici un maximum d'efficacité et de logique interne, Ta mort sera la mienne représente une réussite littéraire. Ce tour de force est renforcé par quelques éléments fantastiques que distille l'auteur : le fantôme d'une réceptionniste de l'hôtel qui accompagne la mère, et des épisodes en forme de flashbacks sur la vie dans la secte.
L'intrigue est centrée sur des personnages en quête d'un amour impossible et vicié : le père a été abandonné, la mère est entrée dans une secte et a vu son fils aux mains de gourous abusant de lui, quant au fils, violé dans sa chair et son esprit il a perdu toute confiance. Régulièrement, il pose la question à ceux qui lui font la morale : "Où étiez vous quand je subissais des assauts sexuels ? Le fils a cherché la rédemption dans la violence, dans ce qu'il croyait être un couple (une pimbêche) ou dans une nouvelle famille (le gang de motards), mais tout ne peut qu'échouer, car il s'est perdu dans sa soif d'autodestruction. Lorsqu'il apprend que sa mère va animer dans un motel retiré un week-end de littérature avec de nombreux étudiants, et qu'en plus ce motel lui a été conseillé par le shérif local qui n'est autre que son père, il décide tout simplement de venir tuer tout le monde. Son périple en ange casqué, sur une moto qui fend les États, est une image forte que vient renforcer la violence désincarnée qu'il accomplit. Il abat les participants du colloque - un peu à l'instar de Breivik en Norvège - comme au champ de foire dans une atmosphère que Fabrice Colin parvient à rendre avec distance, en décrivant de manière réaliste, mais sans jamais sombrer dans le voyeurisme, le massacre.
Après Blue Jay Way qui donnait une version de la côte Ouest, Fabrice Colin sillonne la côte Est avec la même force d'évocation, qui s'achève sur une superbe scène (que nous ne dévoilerons pas) à la fin ouverte, écho des rédemptions possibles, des morts possibles et du rêve américain des grands espaces traversés par des hommes solitaires.
Nominations :
Prix Landerneau Polar 2013
Citation
Syndrome de Stockholm, avancent les médecins, mais ils se trompent : tu n'aimes pas tes bourreaux. Tu sais simplement qu'ils ont raison.