Placards

Le découverte de dix-sept cadavres allait faire la une pendant plusieurs jours, il fallait que la réponse politique et de la justice soit à la hauteur. Et puis la gendarmerie avait un coup à jouer. Résoudre une enquête pareille, si longtemps après, c'était un défi à relever. Prouver ses capacités malgré l'obstacle du temps. Que l'ordure derrière ces horreurs ne reste pas impunie. Un message autant qu'un devoir.
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Roman - Noir

Placards

Social - Disparition - Assassinat MAJ mercredi 13 novembre 2013

Note accordée au livre: 4 sur 5

Poche
Réédition

Tout public

Prix: 8,65 €

Christian Roux
Paris : Rivages, octobre 2013
216 p. ; 17 x 11 cm
ISBN 978-2-7436-2648-8
Coll. "Noir", 937

Enfermement sexuel

Rivages réédite une version entièrement remaniée d'un roman de Christian Roux paru initialement au Serpent à plumes en 2003 : Placards. Les placards, en dehors même de leur mise aux..., c'est avant tout ces pans cachés de la vie de trois personnages qui ont de belles parts d'ombres. Mais le placard, c'est surtout là que vit l'un des protagonistes, un enfant d'une petite douzaine d'années, alors que sa mère se prostitue dans l'appartement. Pourquoi ? À la fois pour lui cacher la sordidité d'une vie et lui éviter ainsi une certaine mise en danger, mais également pour se le cacher, et oublier ainsi qu'il est le fruit du pécher, un bâtard orphelin qui a accéléré la déchéance de sa mère. L'histoire débute avec ce placard ouvert. Dans l'appartement, repose le corps de sa mère éventrée, les boyaux à l'air proprement nettoyés dans l'évier. Au sol, un cahier d'écolier à la prose enfantine et quelque peu attardée. Alice sur le seuil. Elle, c'est une voisine d'un étage supérieur qui s'en va à son travail. Photographe de son état, elle fige ces images d'horreur et vomit. Sans savoir pourquoi, elle récupère le cahier qu'elle va lire dans la journée, et se donner pour mission de retrouver le gamin qui s'est de toute évidence enfui. Le crime découvert, deux flics débarquent : Eustache et Samuel. Ils vont mener une enquête et de vastes introspections personnelles car tous les deux sont faillibles, et cette affaire trouve évidemment en eux une certaine résonance.

Christian Roux choisit plusieurs voies et autant de voix pour un roman rythmé dans lequel l'enfance est tout sauf un sacerdoce. Alice a été violée dans son enfance. Sa petite sœur également, mais elle a trouvé la force de se suicider avant l'arrivée trop tardive des gendarmes. Eustache a vécu une enfance tourmentée par la proximité de Dominique, un oncle bedonnant qui lui a fait découvrir une sexualité homosexuelle attirante et repoussante. Quant à Samuel, il a fui son foyer pour éviter à sa fille de subir ses propres assauts. Le roman joue alors des failles humaines et temporelles, s'appuie sur une variation de tonalité et de police de caractères. Enlevé, il ne souffre d'aucun réel suspense mais débute comme un vulgaire (au sens premier du terme) thriller avec cadavre dépecé et course-poursuite après un criminel et une future victime, pour se clôturer comme un roman noir et sombre avec une résolution qui laissera des traces. C'est là le joli succès d'époque d'un romancier qui avait eu avec Braquages, le Prix SNCF du polar dans la catégorie "Premier roman" l'année précédente. Un ancrage dans la misère et les non-dits familiaux. Avec des placards ouverts dans l'enfance de chacun des protagonistes, des placards sales, qui puent le renfermé, et pas que à cause de la poussière. L'univers dépeint par Christian Roux dans ce roman met en avant la corruption de l'enfant par les adultes. L'innocence ne dure pas longtemps. Les filles n'ont même pas le temps de découvrir leur adolescence et les premières règles pour être violentées avec l'accord tacite d'une mère furibonde assujettie aux règles du père. Les garçons ne sont pas mieux lotis avec de vieux oncles libidineux. Alice tentera de sauver l'enfant que grande sœur elle n'a pas pu sauver. Au détriment de sa vie ? Les vivants de ce roman sont au mieux des épaves, des morts en puissance, au pire déjà morts. L'on n'insistera jamais assez sur l'originalité et la tonalité du roman. Sur ces jeux d'écrits qui dépareillent des "je" des personnages. Dix ans après, Placards a toujours la même force évocatrice, et ses portes ne se sont toujours pas refermées, peut-être un peu plus ouvertes, mais le fond est toujours malheureusement aussi sombre...

Citation

Le père, lui, cessa pendant trois semaines de violer ses filles, mais frappa plus souvent sa femme.

Rédacteur: Julien Védrenne vendredi 08 novembre 2013
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