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Inédit
Tout public
Paris : Ring, janvier 2014
384 p. ; illustrations en noir & blanc ; 22 x 14 cm
ISBN 979-10-91447-15-7
Liaisons dangereuses pour lésions dangereuses
Qu'est-ce qu'un tueur en série, sinon un fantasme accompagné d'un réceptacle de nos propres désirs ? C'est autour de cette interrogation que pourrait se construire le "roman" de non fiction de Michaël Mention. Le terme roman est entre guillemets car le roman se décompose dans le style qui fit florès avec le nouveau journalisme : l'auteur alterne des chapitres où il se place dans la tête du tueur et raconte à la première personne ses crimes divers, et des chapitres où il éclaire son propos de diverses façons (en ajoutant des photos et des cartes qui renforcent le côté documentaire de son travail).
La partie narrative présente l'itinéraire classique d'un tueur : enfance difficile, petits délits restés impunis, volonté pyromane, assassinats divers, manque d'empathie jusqu'à une forme de rédemption en prison. La "folie" du personnage qui discute avec un démon installé à côté de lui dans une voiture renforce à la fois le côté documentaire et l'intrigue. Elle montre aussi comment l'enquête cafouille et comment il aurait pu être arrêté bien plus tôt. Elle se permet même de l'humour lorsque le tueur se trouve coincé dans une émeute urbaine et ne supporte pas la violence gratuite des autres...
Les autres chapitres se divisent en deux parties distinctes mais qui s'imbriquent avec soin : une tentative de reconstituer l'époque et qui montre avec brio comment le tueur est aussi le reflet de son époque et des fantasmes de la société car il tue des couples dans des voitures comme pour masquer sa propre défaillance sexuelle d'une période ouverte à toute aventure charnelle ; il veut purifier le monde qui va à vau-l'eau et fait ainsi référence à Taxi driver, son modèle ; il introduit du chaos dans une période où l'on flingue des présidents et où la guerre du Vietnam laisse encore ses traces. Cinéma également avec Polanski et sa procréation antéchristique. Michaël Mention montre le moment où, dans la lignée de la contre-culture, les Américains commencent à développer les groupes satanistes, comme autant de religions alternatives, où l'on sacrifie des chiens, où l'on se livre à des activités pédophiles sous couvert de sanctification. Il évoque les liens étranges entre l'armée, la CIA et ces groupes, comme si l'on profitait de l'occasion pour tester des drogues et des méthodes de contrôle.
Les trois parties se répondent et créent un portrait de l'Amérique, plein de doutes : le tueur a-t-il agi seul ? Est-il influencé par une secte ? Sous contrôle militaire ? Partie prenante d'une théorie sataniste ? Lié à des groupes qui cherchent à déstabiliser la société pour mieux la contrôler, comme furent utilisés les groupuscules politiques en Europe ? Des pistes que Michaël Mention se garde bien de conclure pour offrir une nouvelle dimension fantasmatique : le tueur en série comme faisant partie du complot masqué qui gouverne le monde.
Citation
J'ai beau sourire sur les photos, le malaise était déjà mon 'ami pour la vie'.