Contenu
Grand format
Inédit
Tout public
306 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-07-014099-2
Coll. "Série noire"
Nettoyage social
Au moment de la Révolution française, lorsqu'il fallut guillotiner Danton, on l'accusa d'être corrompu. Danton répondit, en résumé, en signalant que la révolution serait pire lorsqu'elle serait aux mains des purs. Aujourd'hui, face aux dérives du monde, l'on ne rêve plus de révolution, mais de se protéger et ainsi de protéger ses acquis. Comme il devient quasiment impossible d'enfermer tous ceux qui vous menacent, le plus simple est donc de s'enfermer soi-même pour éviter le monde hostile. Prenez une gated community, enclave protégée. L'un de ses dirigeants surveille attentivement ce qui se passe, tandis que son fils, adolescent, découvre l'amour et surtout que ce dernier n'est pas payé de retour. À proximité, un sniper qui abat des "racailles" et un bien étrange accident sur l'autoroute où une femme a trouvé la mort. Son mari qui a survécu est justement un agent facilitateur chargé de travailler pour l'implantation de ces gated communities. Tous ont l'obsession de la pureté : la communauté fermée possède des strates entre les quartiers, et chacun s'observe via les systèmes de vidéo surveillance diffusés sur une chaîne interne et tous peuvent espionner leurs voisins. Les autorités politiques sont heureuses de ce système qui prend en charge une partie des taches régaliennes et rendent plus "purs" leur budget. Même si dans la réalité les choses sont plus confuses : l'adjointe du policier, plus préoccupée de sa promotion en se liant aux partis qui prônent la pureté française que de l'enquête, montre qu'en recherchant la pureté, il faut bien mettre les mains dans le cambouis et les remugles les plus sordides.
Face à cela, deux personnages qui vont faire basculer, momentanément, le mythe : d'une part, un policier, gras et adipeux, qui mange comme quatre depuis la mort de sa femme, symbole même du relâchement corporel (il est même décrit lors d'une intervention où il tombe et a du mal à se relever) et qui ne peut croire à l'accident sur l'autoroute. D'autre part, un adolescent en plein émoi amoureux : les sentiments sont toujours une source de dangers pour les utopies.
IL y a quelques années, Jean-Pierre Andrevon, avec L'Œil derrière l'épaule, avait écrit un roman autour de ces nouvelles zones pavillonnaires fermées et il l'avait fait avec son style rentre-dedans. Antoine Chainas s'est lui coulé dans son sujet : il a épuré son style, ses descriptions d'une sexualité débordante, pour se concentrer sur quelques images fortes : la communauté et ses petits soucis, l'autoroute où l'on est obligé de cohabiter avec le bas peuple, la quête de l'accidenté pour savoir ce qui est réellement arrivé et son désir de vengeance, les manipulations des uns et des autres. Une froideur dans l'écriture qui rend parfaitement les froideurs des humains, les calculs de chacun, lorsque l'humanité ne peut naître que de la jalousie et du deuil, comme une préfiguration de futurs, prophétisés par Danton, des futurs proches qui ne seront pas roses, comme les gated communities symbolisent à la fois le rétrécissement des sentiments, la froideur des utopies sécuritaires et une version des camps de concentration où il n'y a plus besoin de gardiens car les prisonniers font eux-mêmes le travail.
Récompenses :
Grand prix de la littérature policière - roman français 2014
Citation
Elle n'avait jamais totalement abandonné ses anciens réflexes : ceux qui avaient cours là où le multiculturalisme imposait la tolérance comme technique de survie, imaginait Julien.