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Trait bleu
Grand format
Inédit
Tout public
Chapeau bas
En littérature, nous avons la parodie où il convient de se moquer des travers d'un genre ou d'un auteur, le pastiche où il s'agit de s'installer dans les façons de faire, les recettes de cuisine d'un autre auteur afin d'en restituer la saveur et l'hommage qui se résout à imiter afin de montrer que l'on apprécie les codes. Chacune de ses trois façons de faire a ses adeptes, parfois de manière revendiquée, parfois sans le faire exprès, mais toujours avec l'envie de référence et de révérence afin de se confronter à un modèle.
Jacques Bablon (ou alors c'est le pseudonyme d'un certain Jack Bablon) nous convie à une virée au milieu des petits blancs paumés de l'Amérique profonde. Tous les éléments y sont présents : péquenauds un peu rustres qui picolent du whisky, traversent des paysages en voiture roulant sans fin, passage par la prison dont le fonctionnement est loin d'être apparenté à des soirées bisounours, gangsters foireux qui se coursent les uns les autres pour essayer de se voler un butin qu'ils avaient dérobé ensemble, et amitiés viriles et surtout taiseuses.
Le personnage central est un jeune homme, narrateur de l'histoire qui a poignardé Julian McBridge puis qui a jeté son corps dans un étang voisin empli de carpes (on en recense huit cent trente-cinq !). Seulement, les Jones, autrement dit les propriétaires de l'étang, décident de le curer (l'étang, pas Julian McBridge) et voilà notre narrateur en prison. Mais un jour soudain son ami Iggy se dénonce à sa place et l'échange de prisonnier ou de cellule (allez savoir) se fait. Surpris le narrateur rentre chez lui et découvre que, durant son absence, des petits malins ont enterré dans son jardin un complice de Juliu McBridge. Il faut alors de nouveau se débarrasser d'un cadavre mais, bien sûr, l'étang est maintenant asséché !
Et ce n'est que le début. Oscillant sans cesse entre des éléments du noir le plus scintillant (bagarres, bars interlopes, argent dans des mallettes, chantages et menaces de mort, tentatives d'évasion avec une visiteuse de prison) et le blues rural avec des amitiés de l'adolescence qui perdurent dans les premiers pas du monde adulte, des grands paysages de champs et de forêts où pourrissent quelques carcasses de bateau, des jeunes ploucs qui observent le "gars de la ville' qui s'est fait construire une grande villa mais qui est quand même cool, des fermes isolées et branlantes, Trait bleu décrit avec soin des décors qui nous semblent familiers et des personnages que nous reconnaissons, sans se moquer, en leur rendant une justesse et une poésie forte. Cela peut rappeler les grands peintres du XXe qui allaient au Louvre recopier les tableaux des anciens Maîtres, avant d'en offrir des versions plus personnelles. Cela n'enlevait en rien la beauté et la force qu'ils transmettaient dans cet hommage à leurs prédécesseurs. Eh bien, là, c'est pareil en ce qui concerne Jacques Bablon !
L'auteur signe-là un texte maîtrisé, version intelligente - copie parfaite, fidèle mais personnelle -, d'un polar rural américain. Il a, qui plus est, le bon goût d'une fin optimiste et crédible, et a ainsi affûté ses armes pour, nous l'espérons, de futurs duels.
Citation
Oui c'était un flingue ! Oui je pouvais les descendre si ça me chantait ! J'avais que trois balles. Pas gâcher.