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Les Petits vieux d'Helsinki mènent l'enquête
Grand format
Inédit
Tout public
Traduit du finnois par Martin Carayol
Paris : Calmann-Lévy, avril 2015
348 p. ; 22 x 14 cm
ISBN 978-2-7021-5705-3
Laissez-les vivre !
Le cadre est original : la résidence pour personnes âgées du Bois du Couchant (où le moindre service, tel que demander une communication téléphonique, est payant, où le personnel ne parle pas finnois et les pensionnaires sont "en attente de crématorium"). Mais il n'est pas très apaisé. Outre le fait qu'un décès naturel est vite arrivé en pareil milieu, le quotidien est un peu inquiétant, pour Siiri Kettunen et Irma Lännenleinu, les deux nonagénaires au centre de l'intrigue. Car, non seulement Tero, le cuisinier, est retrouvé pendu, mais Olavi Raudanheimo, l'ancien combattant désormais en chaise roulante, se plaint d'avoir été violé sous la douche par l'un des infirmiers, et Reino est mis à l'isolement pour propos inconvenants. Et voilà que Siiri trouve, dans sa boîte à lettres, un paquet sans nom de destinataire, ni d'expéditeur. Tout cela est si louche qu'elles se mettent à enquêter avec la discrétion qui sied à leur âge, avec l'aide d'un sympathique chauffeur de taxi du nom de Mika Kerhonen, au demeurant membre des Hell's Angels. Mais voilà qu'Irma donne des signes inquiétants de gâtisme et Siiri va devoir s'adjoindre les services d'Anna-Liisa pour la sauver du sort que lui réserve l'établissement. La suite du livre est une mise en accusation d'un monde qui allie la recherche du profit maximum et à tout prix au bureaucratisme à la soviétique (belle image de notre monde "postpostmoderne"), où les personnes âgées n'ont que des "proches lointains" pour s'occuper d'elles, c'est-à-dire pour vendre à l'encan leurs affaires personnelles tout en guettant l'héritage du coin de l'œil. C'est donc une mauvaise surprise pour ceux qui ont fait leur l'image idéale de la Finlande. Mais qui aime bien châtie bien, et la lutte pour le bien et la justice est longue et ardue, surtout pour des vieilles dames. La galerie de personnage est succulente, ainsi que le ton de l'ouvrage, qui fait songer à Arsenic et vieilles dentelles ou, par sa causticité pince-sans-rire, à certains films d'Aki Kaurismäki. Les problèmes du vieillissement sont parfois abordés par le petit bout de la lorgnette, comme la difficulté de se couper les ongles des orteils, et on est plus dans la folie douce que dans le roman noir, mais qu'importe. Le lecteur a droit, en prime, à une visite guidée de tout ce qui compte à Helsinki en matière d'architecture moderne, ce qui n'est pas peu dire. Un motif supplémentaire pour le recenseur d'apprécier ce livre est qu'y sont citées trois œuvres finlandaises (de langue suédoise) - de Henrik et Märta Tikkanen - qu'il a traduites lui-même. La vanité est sans aucun doute le plus court chemin vers le cœur de l'homme, fût-il aussi désintéressé que peut l'être le critique d'une œuvre littéraire !
L'éditeur nous promet d'autres aventures de ses "petits vieux". Tant qu'ils ont la santé, pourquoi pas ? Dans le présent volume, Siiri et Irma tiennent bien le rôle de demoiselles d'honneur à un mariage "en noir" (pour pouvoir utiliser les mêmes vêtements lors des enterrements à venir), et s'initient à la tablette, alors... Espérons seulement que le travail éditorial, qui ne permet pas à la traduction de celui-ci d'offrir toute la fluidité souhaitable, sera plus appliqué.
Citation
Des fois, dans notre résidence, on parle du fait que vous, les médecins, vous ne comprenez pas bien que la mort est quelque chose de très naturel.