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Roman - Policier

L'Étrangleur de Pirita

Historique - Huis-clos - Énigme - Religieux MAJ jeudi 31 mars 2016

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23 €

Indrek Hargla
Pirita kägistaja - 2013
Traduit de l'estonien par Jean Pascal Ollivry
Montfort-en-Chalosse : Gaïa, janvier 2016
384 p. ; 24 x 15 cm
ISBN 978-2-84720-662-3
Coll. "Polar"

Un super-Sherlock médiéval

Le prologue, situé en 1391, nous montre un homme qui étrangle la femme qui l'a trahi, pour tenir sa promesse, et jure de ne plus jamais en aimer une autre. Cela se produit, le jour où le pape Boniface IX prononce la canonisation de la Suédoise Birgitta Birgersdotter, à l'endroit où s'élèvera plus tard un monastère de brigittines. L'apothicaire Melchior Wakenstede est encore jeune et aide son père à construire une canalisation. C'est cependant lui qui, un jour, démasquera l'assassin. Nous voilà prévenus, tout suspense est désamorcé au bout de quatre pages. Il ne reste plus qu'à nous conter le comment de ce pourquoi. Le récit s'ouvre donc, en mars 1431, sur la découverte, près du couvent de Pirita, d'un cadavre à moitié dévoré par les rats. Melchior parvient pourtant à déterminer qu'il a été étranglé et, grâce à l'anneau sigillaire, à l'identifier comme étant celui de Windrich Bordeke, seigneur de Saha. Seul ennui, il est récidiviste, étant déjà mort au monastère l'automne précédent. Trois autres victimes sont à dénombrer. La nonne Taleke qui, suite à un viol, ne parle plus qu'une langue incompréhensible gît au petit matin près d'une inscription dans la neige : IIKGL.A. Puis c'est au tour de la vieille Juliana (dans la partie réservée aux hommes !) et du marchand Samuel Olofsson (dans la chapelle). D'ailleurs, un espion ne se cacherait-il pas parmi tous les pèlerins qu'héberge le monastère, en cette période fertile en rivalités monastiques (sans compter ceux qui aimeraient que le concile de Bâle déclare sainte Brigitte hérétique et suppôt de Satan) ? Notons encore une sorte de rébus en latin, des dés portant des caractères runiques, un morceau de tissu rouge et deux pages arrachées dans le registre du couvent. La sagacité du commun des mortels rendrait les armes pour moins que cela, mais maître Melchior ne sort-il pas du commun ? À côté de lui, le plus puissant des ordinateurs ne ferait pas le poids, pas plus que Sherlock Holmes, ni Hercule Poirot, comme il le démontre au cours de la reconstitution en forme de piège qui clôt le livre. Élémentaire, mon cher Wentzel Dorn (l'ex-bailli qui lui sert de docteur Watson) !
L'auteur ne se renie pas, en ce quatrième tome des énigmes de son apothicaire. Ce livre rappelle l'originalité des brigittines, dont le monastère entier (y compris les hommes, donc) est placé sous l'autorité de l'abbesse, alors qu'elle n'a pas le droit de célébrer la messe. Il permet d'apprendre tout ce que l'on aimerait savoir (sans jamais oser le demander, bien sûr) sur la règle et le régime quotidien de l'ordre, la médecine et la pharmacopée médiévales, la sorcellerie, les Institutions de Cassien, la langue des signes des religieuses et autres arcanes. Le sort de la femme au Moyen Âge y est loin d'être aussi enviable que de bonnes âmes ont bien voulu le dire et la problématique de l'union sexuelle, prohibée pour les nonnes alors que leur patronne, sainte Brigitte, l'a connue, elle qui a donné le jour à huit enfants, est bien illustrée. Il est réconfortant qu'un roman policier soit rédigé par un homme aussi érudit, mais on se demande parfois si le souci encyclopédique n'est pas poussé un peu loin, dans un tel cadre. Dieu seul le sait (car il parle couramment l'estonien).

Citation

Il se serait rapproché, d'un petit pas, de la limite au-delà de laquelle l'homme cessait de croire qu'on pût faire le bien en gardant les mains propres.

Rédacteur: Philippe Bouquet mardi 29 mars 2016
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