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Grand format
Inédit
Tout public
Traduit de l'anglais par Thomas Bauduret
Monaco : Le Rocher, avril 2017
392 p. ; 21 x 15 cm
ISBN 978-2-268-09059-7
Coll. "Thriller"
Rebelles sans cause mais avec âme
Parfois les meurtres sont désirés, voulus, programmés par ceux qui les commettent. Cela n'empêche pas d'en éprouver éventuellement des remords après coup, mais normalement, assassiner son prochain est un acte assumé. De manière astucieuse, Joolz Denby décide d'une autre trajectoire dans ce roman : le crime n'est pas sa tasse de thé, et la description horrible, cadre du meurtre, est repoussée à la fin de Billie Morgan. Avant, le roman se découpe en deux parties. Dans la première, nous allons suivre la trajectoire de Billie Morgan, une jeune femme, petit canard boiteux de sa famille, qui découvre la "vraie" vie en s'intégrant dans un groupe de bikers. Intelligente, elle tape dans l'œil du chef qui se sert de ses compétences tout en la laissant dans l'ombre de son mari, un brave gars, peu voyou, mais très fort en mécanique ce qui intéresse ces fanatiques de motards. Malgré ce côté à la marge de la société, Billie Morgan rêve simplement d'une vie simple. Parmi ses amies, il y a Jasmine, une jeune noire, qui est un peu plus paumée et qui pourrait sombrer dans la drogue. Mais elle se raccroche à la vie grâce à son bébé, Natty, dont Billie est la marraine. Quel dommage que le père soit Terry, un triste sire, dealer à ses heures. Pourtant, quand il disparaît, Jasmine se met à déprimer et son fils grandissant sans père devient une boule de nerfs, un écorché vif, petite frappe qui tape sur tout ce qui l'ennuie. Seule sa marraine parvient encore à le calmer. Billie a elle aussi perdu son chevalier servant. Cette blessure qui ne s'est jamais refermée, ne l'a pas empêchée de se débrouiller. Elle a ouvert un petit commerce et vit correctement, soutenant Jas et son fils, malgré leurs addictions de plus en plus lourdes financièrement. Mais elle ne peut faire autrement. La vérité est qu'elle se sent responsable de la disparition de Terry, et qu'elle veut réparer ses torts.
Le roman éponyme est construit de manière extrêmement linéaire dans ses deux parties. Seule les raisons de la disparition de Terry est repoussée vers les pages ultimes du livre. Plus qu'un roman policier, c'est effectivement un roman noir qui va suivre la trajectoire d'une jeune femme, peu appréciée par sa mère (le père est parti mais cela donne lieu à une scène extrêmement violente, sentimentalement parlant, à la fin du livre), rejetée par sa sœur, et devenue l'opprobre de son quartier car elle a choisi une vie en marge. Pourtant, tout montre à quel point le destin est normal et qu'il suffit d'un rien pour que tout bascule, pour que son rêve de midinette (un peu décalée ou plus dans l'air du temps) se réalise. Joolz Denby a fréquenté les milieux punks et cela se ressent dans cet ouvrage qui montre, sans stigmatiser, ni poser en héros, des personnes de la vie quotidienne, des working class hero comme aurait dit John Lennon. Il y a de la noblesse, dans ces destins, de la grandeur dans leur larmes ou leur chute impossible à stopper. Par petites touches, par scènes intimes montrées avec soin et force, Billie Morgan est un texte noir, proche des films de Ken Loach, entre réalisme social des classes pauvres, envolées lyriques et descriptions des familles broyées, des gens enfoncés dans le conformisme que leur impose la société - ce n'est sans doute pas un hasard si la mère de Billie part au Canada pour rejoindre sa fille qui a une "vraie famille" avec une "vraie" maison et une "vraie" dépendance pour loger la belle-mère.
Citation
Je sais que la femme qui se tient à la fenêtre n'est autre que moi-même, bien qu'elle ne me ressemble guère.