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Grand format
Inédit
Tout public
334 p. ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-7436-4475-8
Coll. "Thriller"
Chronique
Il est très symbolique que le troisième roman d'Adlène Meddi s'ouvre et se clôture par une scène qui se déroule dans un cimetière. En effet, son roman revient sur les années sombres, ces années 1990 annoncées par le titre où l'Algérie s'est entredéchirée dans des luttes sanglantes où finalement plus personne ne sait avec qui il combat, contre qui, et si même les attentats ne sont pas revendiqués par ceux qui en sont les victimes officielles pour pouvoir ainsi organiser la riposte. Dans cette construction serrée, le roman commence donc avec un homme dans un cimetière enterrant son père, chef d'un groupe secret qui a mené la guerre pour le gouvernement. Son fils, qui pleure, est aussi un homme plein de contradictions et qui est enfermé depuis dix ans dans un hôpital. La police secrète surveille sa psychiatre car qui sait les secrets que le fils pourrait révéler ? Au final, c'est dans un cimetière que pleure un autre homme qui vient justement d'être relâché par la police secrète, par l'un de ses chefs, Aybak, l'homme qui s'est opposé au père mort pour devenir l'un des maîtres des polices parallèles. Un homme qui pleure aussi parce qu'il ne pourra sauver son ami qu'il a laissé dans l'asile. Ces deux hommes qui pleurent sont donc deux amis qui dans les années 1990 ont décidé de mener, à leur manière, une lutte contre les islamistes. Deux lycéens qui se rêvèrent plus grands que l'époque ne pouvait l'admettre.
Adlène Meddi propose un roman qui décrit au centre la volonté de ces jeunes gens de vouloir changer les choses, de bouger les lignes, et la façon dont c'est impossible. Ce n'est pas décrit frontalement mais par la bande, par des récits qui remontent le temps, jusqu'en 1962, pour montrer comment les services militaires, les polices parallèles, les groupes masqués à l'intérieur de l'appareil d'État algérien luttent contre les ennemis, entre eux, fomentent eux-mêmes les crimes dont il accuseront leurs ennemis, tendent des pièges si complexes, qu'eux mêmes tomberont peut-être dans un chausse-trappe invisible. S'il y a un cimetière qui ouvre le livre et un qui le referme, il y a dans l'intervalle des luttes, des coups de feu, des tueurs invisibles et des policiers qui se déguisent, qui portent des masques pour torturer et assassiner à l'intérieur même des commissariats, des veuves qui se terrent dans leur immeuble protégé, des amours compliquées dans un pays où il est difficile de se tenir par la main, des amis qui doivent s'exiler et ne plus se voir, des enfants abattus juste parce qu'ils sont les fils de..., des cours dans un lycée interrompus par le bruit des bombes qui explosent dans le quartier voisin. Mais il y a aussi de la vie, des amitiés, des amours qui naissent, des petits gestes qui indiquent la vie et, en même temps, des forces de mort, des gens si puissants qu'ils sont nommés "La Structure" ou "Le Sanctuaire", mourant lentement d'un cancer dans de superbes yachts ancrés dans la baie d'Alger et commanditant des meurtres dans la ville pour accentuer le chaos qui leur laissera un peu plus de pouvoir depuis leur tombe. Il y a de la mort et de l'absurdité, des enjeux politiques et des hommes prêts à tuer la moitié de la population pour continuer à régner, et au final, il y a des êtres humains qui hurlent seuls dans un hôpital ou qui pleurent seuls dans un cimetière, juste avant de quitter le pays qu'ils aiment à jamais. Après les romans de George Orwell et ceux de David Peace, finalement les romans avec millésimes sont souvent de bien beaux romans.
Citation
Bien que ne voyant pas leurs yeux, on les devinait brillants de mille feux, incendiant au napalm et aux balles explosives chaque concession à la fatalité et à Dieu lui-même, Dieu qui avait justement détourné le regard quand il leur avait fallu tuer, torturer, dynamiter les maisons des proches de terroristes, faire pleurer les gamins de disparus, questionner dans les sous-sols des casernes de tout le pays et tirer à bout portant sur les preneurs d'otages.