Contenu
Poche
Réédition
Tout public
348 p. ; 18 x 12 cm
ISBN 978-2-35068-655-4
Coll. "Du noir au Sud"
Au port de la Lune, mon SDF Pierrot
Un port, la nuit, des quais quasiment déserts où seules des âmes en peine traînent : de quoi écrire une tragédie. Effectivement, c'est le décor principal de ce drame noir de Simone Gélin, véritable épure du genre. Sur les quais passent les prostituées. Parmi elles, une jeune Ukrainienne, violée et battue, laissée là et qui essaie tant bien que mal de survivre. Elle y rencontre Malik, un jeune des banlieues, qui refuse à la fois l'école et de sombrer dans la violence et la délinquance. Mais peut-être pourrait-il se laisser tenter par de l'argent facile afin de libérer la prostituée ? Il y a aussi un client qui passe et s'est attaché à la jeune femme. Cette dernière est aussi protégée par Pierre, un SDF, qui a tout lâché après une histoire d'amour malheureuse. De multiples personnages annexes traversent le roman comme Chloé, qui commence une relation amoureuse avec Malik, sa mère qui fut l'amour de jeunesse du clochard, quelques petits voyous de banlieue et Simon, un policier. Ce dernier, justement, se retrouve chargé d'enquêter sur un car-jacking qui a échoué car l'un des malfaiteurs a refusé d'y participer au dernier moment. Surtout, Simon est perturbé depuis la mort de son épouse Anna, professeur dans le coin, et qui reviendrait sous forme de fantôme bienveillant pour faire son ménage ! Tous ces différents protagonistes sont à un instant de leur trajectoire individuelle amenés à passer par le quai où la jeune Ukrainienne fait le tapin et, sans le savoir, ces trajectoires ne sont peut-être qu'une nouvelle rencontre, car des liens invisibles se sont tissés entre eux. Mais ces croisements vont devenir clairs et les correspondances apparaître lorsque l'on découvre le corps de la jeune prostituée noyé dans le port. Les soupçons peuvent se porter sur le SDF, sur Malik, sur le client, voire sur Chloé. C'est un Simon bien ennuyé qui est alors chargé de cette nouvelle enquête.
Plus que l'histoire policière (qui reste en arrière-plan et se multiplie suite à l'histoire du car-jacking), c'est la description des personnages, leur complexité, leurs failles et doutes, leur humanité, qui se situe au cœur du roman. Les personnages sont cabossés par la vie ou bien tentent de s'y insérer sans se renier, mais l'écriture tient la gageure de ne pas les enfermer dans du noir pénible ou un désespoir dont il serait impossible de s'échapper. Malgré tout, et sans pathos inutile, la vie et l'amour peuvent gagner. C'est dans cette zone, peu confortable, où les protagonistes essaient d'échapper à la noyade et au fatalisme avec les maigres ressources que le roman de Simone Gélin acquiert une force brute très bien amenée et intelligemment conduite.
Citation
Ce matin-là, malgré un ciel hivernal magnifique et la douceur d'un mois de janvier bordelais ensoleillé, à cause des signes négatifs dans l'air, le capitaine Marian se sent dans l'attente éventuelle d'un forfait du destin - destin auquel du reste il ne croît pas, mais dont il se méfie.