L'Homme sans tête

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Roman - Noir

L'Homme sans tête

Drogue MAJ vendredi 11 décembre 2009

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 16 €

Sergio González Rodríguez
El hombre sin cabeza - 2008
Préface d'Antonio Dominguez Leiva
Traduit de l'espagnol (Mexique) par Isabelle Gugnon
Albi : Passage du Nord-Ouest, octobre 2009
188 p. ; 19 x 14 cm
ISBN 978-2-914834-36-0
Coll. "Traductions contemporaines"

Narco-terreur et ultraviolence

Transgenre, horrifique et narcotique. Tels sont les trois mots qui résonnent dans la tête du lecteur durant la lecture de ce court livre, cette traversée fulgurante, celle de deux territoires qui se surimposent  : le Mexique et la guerre des cartels de drogues.

L'Homme sans tête n'est ni un roman, ni un essai. L'auteur se tient sans cesse sur le fil, à la lisère de l'enquête journalistique et le récit de voyage au fin fond des abysses de la violence sur une forme de violence de plus en plus courante dans le Mexique des cartels  : la décapitation. La décapitation ou quand la violence n'est plus seulement à considérer en soi, mais dans ses représentations, et dans la terreur que celles-ci peuvent inspirer. La décapitation ou quand la violence outrepasse elle-même les limites de l'imaginable. La décapitation, enfin, ou comment la mise en scène de la violence prend le pas sur la violence elle-même, triomphale, codifiée, devenant en soi un moyen de communication dans cette guerre des gangs.

Fulgurantes également sont ces réflexions, analyses, anecdotes qui ponctuent le livre et qui empêchent toute installation du lecteur dans le confort d'un genre aux contours bien définis. Ici, on est traversé par des excroissances. On apprend notamment combien le processus de la guillotine doit à celui de la photographie – fermeture instantanée, mécanique et implacable d'un couperet qui tombe pour l'éternité. On apprend aussi, en entrant dans des propos quasi ontologiques sur la violence et ses implications, que la décapitation est, de fait, exclue des modalités du suicide. Rien de pédagogique dans l'ouvrage, rien de complaisant, tant l'analyse n'en revêt pas les formes habituelles, tant le voyage se fait pas à pas, au fil des aléas de la mémoire et du tâtonnement de l'auteur-narrateur-enquêteur-voyageur Sergio González Rodríguez.

Le fil de l'enquête est entrecoupé – à moins que ce ne soit l'inverse – de descriptions-méditations sur l'urbanisme mexicain, ses paysages. La traversée devient celle du paysage criminel mexicain, au prisme d'une pratique de barbarie extrême et ancestrale. Car on découvre cela aussi, la décapitation se retrouve dans différentes cultures et à différentes époques. Le regain pour cette pratique au sein des cartels mexicains aujourd'hui semble témoigner d'un retour aux sources de la barbarie, du temps où l'homme violent était l'homme à respecter, du temps où la cruauté était sans limites. Aujourd'hui, l'instauration de la terreur nécessaire à la survie et à la prospérité des narcos passe par les décapitations en série, par l'exposition de tête tranchées enfermées dans des sacs poubelles au beau milieu d'un nightclub de la côte. "Car qui tranche une tête est capable de n'importe quel crime."

Un livre érudit, halluciné, surréel où l'art de l'auteur réside dans son choix de ne jamais trancher entre plongée apocalyptique jusqu'au dégoût et enquête au style fluide mêlant avec un appétit non dissimulé références à l'histoire de l'art et à la philosophie.

Citation

Les cantinas, discothèques, maisons de passe bruyantes abondent, de même que les néons rouges, la bière pour dix servie dans un seau rempli de glaçons, les fulgurances de la lumière stroboscopique, qui donnent une apparence intermittente à la rapidité et changent le monde sensible en un univers narcotique.

Rédacteur: Estelle Durand vendredi 11 décembre 2009
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