Patiente

La loi, qui connaît mieux la vie qu'on ne le dit parfois, a prévu des cas comme ça. Elle dit que lorsqu'on est le père, la mère, le frère, la sœur, l'enfant ou le conjoint de l'auteur d'un crime ou d'un délit, on ne peut pas être puni pour ne pas l'avoir dénoncé.
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Roman - Thriller

Patiente

Psychologique - Social - Médical MAJ mercredi 11 août 2021

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 19 €

Vincent Ortis
Paris : Robert Laffont, juin 2021
346 p. ; 23 x 14 cm
ISBN 978-2-221-25348-9
Coll. "La Bête noire"

L'amnésique adoucit les mœurs

Le gastro-entérologue niçois Lucas Saunier a tout pour être heureux : de l'argent, une bonne situation, une maîtresse glamour. Sauf qu'il reste marqué par le plus grand drame de son existence : le suicide inexplicable six ans plus tôt de sa fille Chloé à l'âge de quatorze ans. Son esprit s'est réfugié dans une amnésie sélective concentrée sur l'immédiat avant et après du drame, qu'il tente de contrer avec l'aide de son psy et ami Samuel Goldman, tous deux ayant connu l'horreur de l'attentat de la promenade des Anglais. Une catastrophe que ses cauchemars mêlent à son drame personnel lorsqu'il imagine Chloé couverte de sang au milieu des victimes. Lucas trouve un début de rédemption en s'occupant d'une patiente pas comme les autres, Mia Bertoni, admise en soins intensifs après un viol abominable, et qui s'est murée dans le silence. Mais un jour, elle désigne parmi les coupables Raphaël, un ancien ami d'enfance de Lucas. La confrontation ne se passe pas comme prévu, et plus grave, il apprend par la suite que Raphaël était agoraphobe. Mia lui aurait donc menti ? Tout ceci fait rejaillir dans son esprit ce qui ressemble à un télescopage entre le passé et l'avenir, le viol sordide et une soirée entre amis très arrosée. Puis apparaît un mystérieux inconnu exigeant que Lucas lui remette des photos d'une importance cruciale. Le docteur s'apercevra vite que cet homme est prêt à tout pour les retrouver. Seul problème : Lucas ne voit même pas de quelles photos il veut parler...
Pour un deuxième roman, celui-ci fait preuve d'une maîtrise qui impressionne. Il est mené à un rythme soutenu mais pas frénétique. Les mystères s'empilent et si quelques grandes lignes sont faciles à deviner (preuve que Vincent Ortis ne triche pas), il y a largement assez de suspense pour maintenir l'attention. En plus de l'intrigue, l'autre point fort est incontestablement le style : travaillé sans jamais être ampoulé, il impose un ton onirique qui colle bien à cette histoire ayant un petit goût pas déplaisant des "psycho-thrillers" des seventies (pas giallo, malheureusement). Et lorsque l'humble chroniqueur mijote déjà sa conclusion sous forme de "comme souvent, l'explication est beaucoup plus simple que ce qui l'a précédée", l'auteur dévoile sa carte gagnante : une vraie révélation finale totalement inattendue qui, sans déflorer, justifie parfaitement tout ce qui l'a précédé, noue des fils qu'on croyait impossibles à ressouder et donne a posteriori une logique implacable au récit qu'elle tire par le haut depuis sa première page. On est pris de l'envie de reprendre la lecture une fois tous les éléments en place pour voir avec quelle maestria Vincent Ortis nous a roulés dans la farine. Dommage que l'expression "diabolique" soit si galvaudée (un suspense est diabolique comme un coursier zélé, une soubrette accorte et une Marseillaise vibrante), car elle s'appliquerait parfaitement ici. K.O. debout, le lecteur ne peut qu'applaudir l'artiste et en redemander...

Citation

Mon ami était un croisement entre Maître Yoda et Woody Allen. Il était ceinture noire de tous les sports de combat qui existaient et même ceux qu'on inventerait dans le futur. Il était doué d'une patience exemplaire et d'un mutisme irritant. On devrait pouvoir encadrer ses silences ; ensuite, on les regarderait comme des tableaux apaisants.

Rédacteur: Thomas Bauduret mercredi 11 août 2021
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