Jamais tout est perdu

Un enchevêtrement de poutres et de cadres en bois disloqués avait dégringolé sur la carcasse du canapé. En ressortaient un bras boursouflé couleur de cire et une main ouverte, dont les doigts écartés semblaient vouloir interdire le passage, une main si gonflée qu'il eut bien du mal à distinguer le scintillement de l'alliance en or à son annulaire.
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Roman - Noir

Jamais tout est perdu

Fantastique - Humoristique - Dystopie MAJ vendredi 28 octobre 2022

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Inédit

Tout public

Prix: 23 €

Frédéric Castaing
Paris : Et le bruit de ses talons, octobre 2021
374 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-37912-031-2
Coll. "Noire"

Dans l'entrelacs funèbre des voix fantômes

Nous sommes en pleine nuit, dans une morgue. Quelques morts sont là également, et ils discutent, entre autres sujets, des raisons qui les ont poussés à finalement se trouver là. C'est l'occasion de raconter un futur proche, dystopique, ou simple extrapolation de données actuelles : difficultés climatiques, manifestations importantes, gestion musclée par la police, nouvelles criminalités face aux désordres écologiques, le brassage de l'air du temps. L'essentiel est raconté par un personnage, qui a travaillé comme maître-nageur, puis a perdu l'usage de ses membres. Ses aventures - essentiellement résumées à la recherche de la belle Lili, qu'il a perdu dans la foule, et qu'il est même prêt à aller chercher dans le monde des morts, dans un jeu organisé par une émission de téléréalité -, alternent avec les voix des autres morts, comme une sorte de chœur antique, traité plus de manière populaire, voire classique tendance Louis-Ferdinand Céline.

Frédéric Castaing est un écrivain rare qui prend son temps, sans doute, pour peaufiner ses histoires ou son style. Les quelques ouvrages qui ponctuent sa carrière ont assez flirté avec le genre pour être publiés à la "Série noire", pour certains d'entre eux. Ici, à travers ces dialogues de morts, c'est toute l'épqoue, et ses outrances actuelles, juste un peu exagérées, par moments, qui sont l'occasion de descriptions et de railleries par les voix qui peuplent ce livre singulier. Le récit est quelque peu décontenançant car l'intrigue en elle-même avance peu, par à coups, selon les logorrhées des uns ou des autres. Jamais tout est perdu évolue beaucoup plus sur son rythme interne, sur les paroles qui se répondent, se télescopent, sur une volonté de raconter basée sur une transcription de l'oral, assez bien rendu, mais où les voix se chevauchent, bifurquent, détournent l'histoire vers un autre cours, comme un fleuve qui changerait de lit. Tout ça demande une lecture très attentive avec un lecteur qui apprécie l'ironie feutrée, le sens du détail et de l'oralité, plus qu'une intrigue trépidante, saisissant par brides le monde réel qui s'agite derrière ces flux verbaux. Le lecteur pourrait être déconcerté par ce type d'écriture, au sens d'un cadre narratif un peu funèbre, mais surtout étrange et auquel nous sommes peu habitués. Mais S'il arrive à passer ce cap, cette barrière, il trouvera forcément un texte particulier mais prenant, hypnotique.

Citation

No problem. Son Moloch me ressuscitera. Sur TVStar avec un grand aigle noir. Qui viendra m'bouffer l'foie en direct. Tous les soirs avant l'vingt heures. Y aura du sang partout. Un contrat d'dix siècles. Et des bouts d'viande en veux-tu en voilà. Un fucking contrat d'dix siècles !

Rédacteur: Laurent Greusard vendredi 28 octobre 2022
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