DOA, rétablir le chaos

Essai - Noir

DOA, rétablir le chaos

Derrière le masque

Terrorisme, sadomasochisme, vendetta, manipulations politiques... l'univers de DOA est l'un des plus noirs que le polar contemporain nous ait donné mais aussi, et de beaucoup, l'un des plus réalistes, ce qui en dit hélas long sur l'état du monde. Sans jamais prendre de gants, ni pointer du doigt un quelconque responsable, l'auteur dresse un constat aussi désabusé que méticuleusement documenté des égarements de nos sociétés. Qu'il œuvre dans la fresque géopolitique à l'échelle mondiale (Pukhtu en particulier, mais en réalité tout son cycle des "Clandestins") ou dans les rivalités fratricides qui déciment deux familles - le tout récent Rétiaire(s) -, qu'il plonge dans les milieux du SM extrême (le méconnu Lykaia) ou même, dans ses premiers romans, qu'il flirte avec le cyberpunk ou le fantastique, il n'a jamais cessé de naviguer sur cette ligne de crête, ce fil du rasoir même, entre documentaire et fiction, créant un étonnant effet de vérisme.
Pour autant, de cet auteur passionnant, on ne sait que peu de choses. Caché derrière un pseudonyme évident (DOA pour Dead On Arrival) récemment éventé à cause d'un confrère indélicat, DOA parle peu, explique peu. C'est la raison pour laquelle la parution de DOA, rétablir le chaos est précieuse. Au fil d'un entretien au long cours, précédé d'un court essai introductif, DOA se livre comme jamais, révèle ses sources, ses techniques et ses inspirations, de ses débuts dans le jeu vidéo à ses projets futurs. On y découvre, roman après roman, au-delà de l'image "d'anarchiste de droite" qui lui colle à la peau, un auteur préoccupé par le monde et son évolution, par l'écriture et par son rôle. On y croise ses influences littéraires, des attendus (James Ellroy) aux plus surprenants (Tolkien) et surtout, par delà la possible aridité de façade de certains de ses romans, s'y démasque un romancier profondément humain. Passé cet entretien appelé à faire date, que nous manque-t-il encore ? Presque rien. Peut-être un appareil critique un peu plus poussé que les quelques pages de bibliographie résumées ? Peut-être une analyse des thèmes et des figures récurrentes de l'œuvre ? Ce sera pour une prochaine fois, un autre livre, mais cela ne retire rien aux qualités de ce grand petit (par la taille et le prix) ouvrage.

Citation

L'humain, c'est le gris. Même si l'époque l'aimerait assagi, neutre, aseptisé, sans aspérité, blanchi. On n'admet pas que l'humanité est constituée d'ombre et de lumière, et que sa trajectoire est un constant cheminement entre l'un et l'autre.

Rédacteur: Jean-François Micard samedi 17 juin 2023 partager : | |