Le Rat de Molenbeek-Saint-Jean

Darkus regarda son assiette, troublé. Après le tourbillon d'événements qu'avait représenté leur première aventure, il avait bêtement cru que son père avait fini par le considérer comme un partenaire à égalité, digne de confiance et sur lequel il pouvait compter. Mais en réalité, le monde était retourné en arrière, remontant le temps jusqu'aux jours sombres où son père le considérait tout au plus comme un objet de curiosité.
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Roman - Policier

Le Rat de Molenbeek-Saint-Jean

Social - Urbain - Procédure MAJ samedi 09 septembre 2023

Note accordée au livre: 4 sur 5

Grand format
Réédition

Tout public

Prix: 19,5 €

Armand Gabriel
Paris : Hello, novembre 2022
388 p. ; 21 x 14 cm
ISBN 978-2-38-462159-0
Coll. "Black"

Au plus près du travail policier

Même sans être férus de géographie, tous les Français ont depuis ces dernières années entendu parler de Molenbeek, ne serait-ce que par les informations qui ont suivi les attentats qui ont touché la France et la Belgique un 22 mars 2016. Stéphane Martin est un policier de la PJF de Bruxelles qui doit faire face à un manque de moyens flagrant. Il a beau avoir un ami comme coéquipier, c'est difficile de bosser avec un chef qui compte ses heures, des collègues qui tirent au flan et des ressources à vau-l'eau qui touchent l'ensemble des forces de police. À un moment, par exemple, le policier devra emprunter à la brigade un scooter pour pouvoir continuer sa mission. À un autre, il se retrouvera avec des agents sans armes car la nouvelle dotation n'est pas arrivée et l'ancienne arme est sous clés avec interdiction de s'en servir. Mais après tout, il n'y a pas de raison que l'administration belge soit plus efficiente que la française. Toujours est-il que Stéphane Martin est fatigué de tout cela, surtout lorsqu'on interfère avec son enquête. Comme il a soulevé des lièvres importants, un autre policier bien en cour et apprécié d'une juge lui rafle ses pistes. Déçu, il demande et obtient sa mutation pour un commissariat de quartier, celui qui couvre en partie Molenbeek. Cela va lui permettre de retrouver certains truands liés aux djihadistes qu'il poursuivait et de reprendre l'enquête dont on l'avait dessaisi, ce qui ne peut que plaire au policier peu en symbiose avec la hiérarchie qu'il est. Mais le voir renifler sur les traces d'autres policiers ne plait pas forcément. Quand en plus le policier tombe amoureux de sa voisine, un escort girl, ce qui peut le montrer du doigt pour la police des polices, les choses se compliquent encore...

Même s'il y a une enquête policière, et même plusieurs qui s'entrecroisent car les liens entre gangs bruxellois et islamistes peuvent se mêler, le roman d'Armand Gabriel est principalement tourné autour de son personnage, un policier qui peu à peu désespère de pouvoir faire son métier correctement entre la gabegie du système, le népotisme qui règne, certains qui préfèrent faire carrière plutôt que de s'occuper de leur métier, des relations difficiles avec le temps judiciaire qui libère parfois des gens que l'on a mis du temps à inculper. C'est cet aspect quotidien, ce travail de fourmi, le manque de moyens et de considération, décrit avec soin, sans misérabilisme, mais au cœur d'une sorte de reportage du vécu des policiers de terrain, qui emporte la conviction. Entre rage et humour, fatalisme et ironie, Le Rat de Molenbeek-Saint-Jean décrit un horizon journalier déprimant, avec quelques moments d'exaltation, une enquête qui revient comme un leitmotiv au milieu de scènes sur le travail, les soirées, la vie simple. En résumé : l'univers d'un policier ordinaire. On est loin de Callahan ou des flamboyances d'autres policiers. Sans misérabilisme ni pathos, à travers le destin d'un policier de base qui essaie de faire son métier honnêtement, sans trimbaler des problèmes de couple, d'alcool ou de drogue, juste en voulant faire de son mieux, comme sans doute, un grand nombre de policiers (ou d'infirmières, ou de personnes faisant d'autres métiers...), le roman s'avère précis dans sa description-analyse et captivant dans son récit.

Citation

Oui, je cours pour ma forme, vu qu'on ne me laisse pas courir après le crime. Eh, vriend, ça va aller, on va encore le faire pour les victimes et récupérer un peu de butin, hein ?

Rédacteur: Laurent Greusard samedi 09 septembre 2023
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