Philippe Jarzaguet nous invite à traverser trois niveaux chronologiques dans roman qui évoque la Corse. Tout d’abord, un rappel des années 1930 avec Charles, François, Jacques et Joseph, quatre enfants, quatre amis, vivent tranquillement dans un petit village sur les hauteurs de la Balagne. Le temps va alors lentement éroder leurs relations, chacun partant sur sa propre trajectoire de vie. Dans les années 2000, ensuite, toujours dans le même petit village, avec les descendants de ces quatre enfants qui se croisent, s’apprécient ou se détestent. L’un d’eux est un peu plus riche, mais sa femme le trompe allégrement avec d’autres hommes, ce qui avive des jalousies, surtout que la belle non seulement n’est pas farouche mais est également un peu bavarde. Afin de mettre de la pression, certains vont créer un groupe nationaliste corse qui prend les armes, fait des pauses pour la presse puis perpétue un attentat censé servir de caisse de résonance de leurs besoins. À côté, la police française, en pleine recherche de l’assassin du préfet Érignac, parti se cacher dans le maquis, ne se préoccupera pas trop de ces affaires, même lorsqu’il y aura mort d’homme. Enfin, dix ans plus tard. La femme devenue la veuve s’est remise en ménage avec un autre habitant, mais ce dernier est lui aussi visé par des ennemis. La police enquête en se posant des questions notamment sur les rapports avec des morts de la décennie précédente, sur les liens avec le groupe constitué de nationalistes : que se cache-t-il derrière ces assassinats ? Des vendettas anciennes ? Des affaires récentes ? Des groupes mafieux ? Des rivalités amoureuses ? Difficile de tout démêler même si la jeune inspectrice, une Alsacienne, va y mettre du cœur.
L’auteur propose un roman qui prend en charge la dimension locale, avec ses coutumes particulières et ses descriptions autour de la spécificité corse. Amitiés éternelles joue sur le décalage entre un quotidien, presque à la Marcel Pagnol, drôle à la manière dont Charles Exbrayat, au « Masque », il y a quelques décennies, décrivait l’Italie ou l’Écosse, avec son lot de cagoles, de traditions, de recettes de cuisine, et un arrière-plan noir évoqué souvent même s’il ne prend pas l’avant-scène glauque. Philippe Jarzaguet connait bien ce qu’il décrit et cet aspect réjouira les amateurs, même si par moments l’action décolle moins, et que l’aspect proprement policier se trouve mis en contrepoint plutôt qu’en avant. Le roman a cependant le charme de la province (même si elle est corse) avec des intrigues villageoises hautes en couleur.
