La journaliste Alia Trabucco Zerán nous propose un essai qui reprend quatre faits divers emblématiques de la société chilienne. Elle part de quatre cas de figures criminelles, où la responsable du ou des meurtres est une femme (d’où le titre). Et ces quatre cas sont présentés et analysés à travers un prisme féministe. En 1916, Corine Rojas ne supporte plus son mari et a même pris un amant. Et elle engage même un tueur pour qu’il élimine son mari au moment où elle dispose d’un alibi. Mais tout va pour elle s’écrouler. En 1923, Rosa Faundez, livreuse de journaux, se dispute avec son compagnon. Elle le tue et, afin de se débarrasser du corps, le découpe en morceaux. Mais elle sera confondue. En 1955, Maria Carolina Geel, auteure féministe, a rendez-vous dans un hôtel avec son amant. Elle arrive et l’abat. Toute l’affaire est complexe car son acte a l’air de reprendre le schéma d’un livre d’une autre femme chilienne qu’elle admire. Et puis, depuis sa prison, elle écrit un livre sur l’univers carcéral dans lequel elle évoque le lesbianisme, ce qui provoque de nouveaux scandales. Enfin, en 1963, Teresa Alfaro est domestique dans une famille chilienne. Or, différents membres commencent à mourir, sans que l’on comprenne bien pourquoi. On pense à des maladies jusqu’à la découverte de leur empoisonnement par la domestique.
Ces quatre faits divers, Alia Trabucco Zerán les évoque sans pathos, en reconstituant l’histoire de manière chronologique, en se servant des articles de presse, des éléments qui restent des procès (au Chili, les archives ne sont pas tenues avec une rigueur exemplaire) et de quelques témoignages lorsque les témoins sont encore vivants. Elle ne prend pas partie et n’extrapole pas sur les raisons des crimes, se contentant de ce qui est dit. Mais elle essaie de montrer combien ces crimes sont dans la logique d’un monde très masculin au Chili : les femmes sont plus sévèrement punies par la justice, mais elles sont paradoxalement souvent graciées (avec des arguments étranges : Corine Rojas est libérée pour s’occuper de ses enfants qui sont orphelins – ce qui est assez logique puisqu’elle a tué leur père) ou alors les juges minorent les peines car une femme ne peut pas agir ainsi : dans le cas de Rosa Faundez personne n’arrive à penser qu’une faible femme puisse découper un homme. De même le cas de Maria Carolina Geel est complexe car il est difficile de savoir pourquoi elle a agi : par provocation, par amour, par publicité littéraire ? Chaque cas est montré dans son rapport avec le féminisme de manière claire et précise, et ces quatre affaires en sont des exemples frappants. Cependant, ces homicides un peu lointaines peuvent décontenancer le lecteur. Quoi qu’il en soit l’auteure les présente non pas de manière voyeuriste, mais en les intégrant dans une histoire du féminisme qui interpelle.