Alors que l’on retrouve, dans les catacombes de Paris, un expert en IA canadien, une de ses amies, consultantes italiennes, reçoit de sa part un étrange message posthume, tandis qu’à Paris, un jeune et brillant conseiller aide à mettre sur pied le programme d’une candidate à l’élection présidentielle. Le point commun entre ces trois jeunes loups aux dents longues ? Ils travaillent tous pour la firme de conseil O’Kelney, faiseuse de rois comme de P.D.-G., capable d’influencer les politiques des États et celles des entreprises… Mais qui pourrait bien dissimuler un objectif bien plus machiavélique.
Il est dans la nature du polar, et a fortiori du thriller, de tenir compte des évolutions du monde et de la nature des menaces que celles-ci font peser sur nos sociétés. Ainsi, après des décennies de guerre froide et de tension nucléaire, ce sont des innovations plus subtiles, plus sournoises, qui nourrissent la fiction. Journaliste politique international et rédacteur en chef adjoint du Parisien, Henri Vernet en a bien conscience qui, après Coup d’État, qui imaginait la prise du pouvoir par les militaires, se penche avec Big Machiavel sur l’influence grandissante des cabinets de conseil auprès des gouvernants. Opaques, ces firmes privées nourries à l’argent public intriguent et inquiètent, lorsqu’elles préconisent des mesures économiques allant à l’encontre du bien-être apparent des populations. Austérité, coupes dans les services essentiels, rentabilité à tout crin, certains n’hésitent pas à voir en elles les nouveaux maîtres du monde, dans une vision complotiste où le vrai pouvoir serait ailleurs, occulte évidemment.
Avec Big Machiavel, Henri Vernet met donc en scène un double évident de la très critiquée firme McKinsey, dont on sait désormais qu’elle a largement contribué à l’élection d’Emmanuel Macron et à ses choix politiques ultérieurs, y compris les plus désastreux. L’affaire en elle-même aurait suffi à alimenter un documentaire sérieux, mais Henri Vernet choisit le domaine de la politique fiction, et y ajoute (air du temps oblige) une IA surpuissante et des visées hégémoniques, la Firme ne visant rien moins qu’à contrôler le monde. Il ne manque plus qu’un vilain ricanant à la James Bond pour parachever l’entreprise. Rythmé, et c’est là sa principale qualité, Big Machiavel échoue par ailleurs largement à passionner, la faute à des personnages assez insipides et à une tendance tout à fait Netflixienne (air du temps encore) à tout surligner à gros traits de marqueur fluorescent, afin d’être sûr que le lecteur comprenne bien tout. Ajoutez-y une bonne dose d’incohérences (comment ne pas évoquer la réaction de cet ingénieur parano, craignant pour sa vie, qui s’offre une virée ludique dans les catacombes au pire moment ?) et vous obtiendrez un « thriller de plage », peu exigeant, qui se lit vite mais s’oublie tout aussi rapidement.