Maigret, le commissaire, son boulevard Richard-Lenoir, sa pipe et sa femme, on a lu tout ça, il y a longtemps, et on se dit, sans doute un peu vite, qu'il y a autre chose à lire. On l'assimile un peu à Agatha Christie dans le rayon de la littérature policière à recette : vous prenez une bonne vieille radine retrouvée étranglée dans son lit de bonne heure, un matelas plein de billets auxquels l'assassin n'a pas touché, un immeuble verdâtre de banlieue parisienne, un peu de brume, un ciel plombé, un pavé bien luisant, une odeur de café et de croissants, trois cousins éloignés revendicatifs, un voisin indélicat au passé sombre et douteux, quelques demis au comptoir pour se remettre, et enfin une petite jeune fille, pas trop belle, pas trop maline, la plus innocente possible. Pour bien faire prendre le fond de sauce, vous tuez en premier la petite jeune fille, presque sous les yeux du commissaire, vous battez les regrets en neige de longues minutes, puis vous laissez mariner pendant que vous épluchez à part la vie de la vieille… etc.
Tous les grands cuisiniers vous le diront, on est loin de la recette au plat servi à table et Cécile est morte est un livre qui sait faire naître l'appétit de lecture. Il rappelle que l'œuvre de Simenon est truffée de décors, de personnages d'une justesse et d'une sincérité qui méritent largement une relecture attentive. Car si l'on appréciait, à la première jeune lecture, l'habileté du commissaire face à celle de l'assassin, on s'attarde aujourd'hui très facilement sur les restes englués d'un pied de porc dans la cuisine mal éclairée d'une concierge et on se dit, miraculeusement, qu'on n'a rien perdu au change.