CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 13.9
INFORMATIONS LIVRE
Édité chez
ISBN : 978-2-84597-476-0
Nombre de pages : 144
Format : 12x19cm
Année de parution : 2013
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8 / 10

Columbo : la lutte des classes ce soir à la télé

Contre-enquête

L'on a tous vu au moins une fois un épisode de Columbo avec Peter Falk en lieutenant du LAPD, autant chevronné que débraillé, perspicace et obstiné, mettant à mal la criminalité pourtant propice à fomenter des crimes (presque) parfaits où un détail qui cloche le fait s'exprimer à un moment ou un autre de l'épisode : « Oh ! Encore une question… » en se retournant alors qu'il quittait la pièce. Enquêteur coriace, héritier dans l'esprit des détectives hard boiled imaginés par Dashiell Hammett, Raymond Chandler ou Ross MacDonald, Columbo a pour lui d'être le représentant légal de l'ordre, quoique souvent mis à mal comme le révèle fort à propos Lilian Mathieu dans son essai sur l'homme et la série, en s'intéressant à l'évident mais intéressant rapprochement entre lutte des classes et lutte contre la criminalité.
Document de vulgarisation étayé par les travaux de Émile Durkheim, Pierre Bourdieu, Max Weber ou Robert Castel, ce petit précis prend le temps de délimiter les contours d'un personnage à l'apparence minable qui prend un malin plaisir à se jouer de ceux qui entendent se jouer de la loi. Les différents meurtres sont ainsi répertoriés selon leur type, les mobiles sont classés, les portraits des meurtriers regroupés. Lilian Mathieu classe tout ceci comme Sherlock Holmes classe les différents types de tabac. L'auteur note que tous les coupables sont issus d'une classe dominante atteinte d'anomie, ce « dysfonctionnement social [qui] nait, entre autres raisons d'une illimitation des désirs qui produit une sorte de vertige chez ses victimes ». Pour faire clair, le futur coupable, assuré de sa toute puissance, perd tout repère d'ordre et pousse chaque jour un peu plus loin les limites que la société lui a imposées sans, peut-être, en être lui-même conscient afin de satisfaire ses besoins, ses envies et surtout ses fantasmes. Une fois l'acte commis, Lilian Mathieu n'explicite pas clairement s'il retombe sur terre ou s'il s'enferme – consciemment ou non – dans cette réalité qu'il a lui-même faussée. Ce qui est en revanche intéressant, c'est bien cette nomenclature sociologique qui s'extraie de ses recherches.
S'intéressant évidemment de près à la personnalité de l'inspecteur, Lilian Mathieu note qu'il est de basse extraction tout en soulignant qu'il s'est fait tout seul à la force d'études parfaitement ciblées. Qu'il cache son obstination sous un vieil imperméable limé dans une non moins vieille Peugeot 403. Tout juste s'il oublie de préciser que Columbo fume régulièrement le cigare qui par essence n'est guère prolétaire (après tout il aurait pu fumer une Gitane sans filtre lui qui a déjà une vieille guimbarde française) mais souvent une excroissance que privilégient ceux qui sont arrivés en haut de leur gratte-ciel social. De même, s'il l'induit, n'explique-t-il pas clairement que la naïveté de façade du lieutenant n'est qu'un leurre servant à rassurer les coupables sur l'issue d'une enquête afin de leur permettre de commettre un faux pas. La chose est pourtant évidente pour l'aficionado d'une série de soixante-neuf épisodes qui a duré trente-cinq ans !
Quoi qu'il en soit, Lilian Mathieu propose un travail sérieux et intelligent sur une série dont on est en droit de se demander si les scénaristes n'avaient pas des idées de gauchistes américains.

Article initialement paru le 9 septembre 2013
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Columbo s'inscrit clairement dans la filiation du héros de Conan Doyle, et sa méthode d'enquête relève elle aussi du paradigme indiciaire.
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