En anglais, tous les titres de la série – à deux exceptions près (qui confirment la règle ?) – commencent par Death of… Sans doute est-ce pour conserver en français cette marque de série que les éditions Albin Michel ont choisi une même formule initiale pour intituler leurs traductions, à savoir Hamish McBeth dans… Ici, cette formule s'aboute désagréablement (ou drôlement c'est selon) avec la suite. Mais soyons clairs : cela ne découronne pas un chef-d'œuvre. Ce treizième volet des enquêtes du jeune policier écossais cramponné à sa condition de modeste agent de village comme à un insigne privilège est affecté des mêmes défauts que le suivant, Sous le feu des projecteurs, avec peut-être quelques invraisemblances de plus pour rehausser l'assaisonnement…
Rien de tel qu'une rage de dents pour vous pousser aux pires extrémités – par exemple consentir à prendre rendez-vous chez un praticien à la réputation désastreuse mais qu'il faut parfois se résoudre à consulter faute de confrères disponibles à proximité. C'est ainsi qu'Hamish McBeth, victime d'un abcès affreusement douloureux, atterrit dans le cabinet du Dr Gilchrist, à Braikie, non loin de Lochdubh. Or voilà qu'en entrant dans la salle de soins il se trouve face à un cadavre : Frederick Gilchrist en personne, manifestement empoisonné, et torturé avec ses propres instruments – toutes ses dents ont été percées à la fraise. Hamish devra souffrir encore un peu avant d'être soigné, et subir une nouvelle fois l'humiliation d'être mis à l'écart de l'enquête par ses supérieurs de Strathbane. Il n'a qu'à s'occuper du cambriolage commis au Scotsman Hotel : deux cent cinquante mille livres ont été dérobées qui constituaient la cagnotte de la prochaine soirée bingo. Il faut dire que le coffre où l'argent était rangé n'était pas si « fort » qu'il aurait dû l'être, l'arrière se résumant à un panneau de bois.
Le meurtre comme le vol sont d'emblée « gaguifiés », et tout au long du roman c'est un comique lorgnant vers la farce qui sera cultivé, jusque dans sa dimension excrémentielle si l'on veut bien considérer les mots de passe choisis par l'inspecteur Blair pour verrouiller son ordinateur. Mais au lieu de voir poussés jusqu'au bout les outrances inhérentes à ce genre on reste toujours en deçà d'une véritable potacherie qui, bien carrée dans ses grosses ficelles, peut avoir ses adeptes. Un je-ne-sais-quoi vient tempérer la farce et la dégrossir – ce qui revient à l'éteindre : peut-être cette propension à se répandre en explications, en développements descriptifs, toutes longueurs qui délaient inutilement le « coup » censé être drôle ? En outre, l'auteure s'ingénie à en rajouter, qu'il s'agisse de créer une ambiance morose ou d'introduire un gag. Sans compter qu'elle ne recule pas devant l'usure (ah, ce doigt qui adhère à la semelle rafistolée à la colle…). Et tout cela noie la trame policière, au lieu de la relever en la versant dans la franche comédie burlesque.
Entre invraisemblances (un aquarium plein de poissons morts et qui reste en l'état pendant toute une semaine dans un cabinet dentaire où praticien et patients sont bien présents ???) et gags trop fortement appuyés par réitération, la comédie est trop mal calibrée pour susciter le rire, le vrai bon rire qui fait du bien. L'intrigue policière est d'une insondable banalité, menée sans originalité avec sa succession d'interrogatoires entrecoupés de passages déductifs et d'illuminations soudaines – ce n'est pas elle qui va aviver l'intérêt. Quant au style, il est ennuyeux, pédagogique, insistant… Pourtant, ce roman est bien un page turner : on tourne ses pages à la hâte pour sauter les paragraphes insignifiants, non parce que l'on est tenu aux tripes par une intrigue haletante et que l'on veut aller vite au dénouement sans perdre un mot de ce dont on se délecte !