Nous sommes à Lyon en 1942. Aimée est une jeune secrétaire dont le patron est un chef de la résistance. Comme il possède des entrepôts, il y cache des marchandises qui appartiennent aux juifs afin de les garder en attendant la fin de la guerre. En même temps, il approvisionne en papier les revues et journaux clandestins, et accomplit des actes de résistance qu’il qualifie de « normaux ». Mais un jour, dans le chargement d’une famille juive qu’il vient de recevoir, il a la surprise de découvrir une petite fille. Stella a l’habitude d’être lunatique et de se cacher dès qu’elle le peut dans les endroits qui lui semble le plus adéquat. Là, elle s’était installée dans une malle…
Le patron est bien embarrassé par cette jeune fille, d’autant plus qu’il doit s’occuper de son fils à lui, un jeune homme qui pratique la résistance comme un jeu, fendant la ville de sa moto et amoureux perpétuel de la belle Aimée. Un jour, d’ailleurs, ce fils aura un accident et y perdra une jambe. Stella doit impérativement partir pour le Vercors où une famille de paysans pourrait l’accueillir et la cacher au milieu de ses propres enfants. Aimée décide d’accompagner la jeune fille. Elle va alors rencontre un homme chargé de la résistance, un homme dont elle tombe amoureux même si lui aussi prend la vie avec beaucoup de légèreté. Un homme qui va surtout mourir sous leurs balles allemandes pendant qu’Aimée apprend que les miliciens et les nazis font des rafles dans le Vercors. Une question majeure va alors se poser : qu’est-il arrivé à Stella ?
Ce résumé qui ne prend en compte que le début de l’histoire ouvre juste l’appétit pour déguster un grand livre. Pierre Péju, spécialiste de la littérature fantastique et allemande (entre autres), écrit ici, un roman enlevé avec des personnages lunaires qui traversent la vie et l’Occupation avec grâce, comme délivrés des contraintes lourdes. L’auteur ne cache pas l’horreur des fait (nous sommes loin d’une version écrite de La Vie est belle), mais il ouvre des espaces, laisse passer l’air frais, parle d’amour, d’amitié, de volonté de vivre malgré tout à travers les destins de ces personnages. Le lecteur est porté par cette échappée belle, cette trouée dans la morosité et la noirceur. Pierre Péju délivre un grand souffle dans le quotidien avec une histoire (presque) proche du conte de fées (il a aussi travaillé sur ce genre) pour nous offrir, par delà l’histoire de Stella et d’Aimée, un grand texte qui donne la pêche, qui aide à passer l’angoisse du monde, en s’inspirant de son histoire familiale.