Jennifer Hamilton a débarqué à New York de sa campagne profonde. Elle a pris un appartement avec l’homme qui partage sa vie sans l’avoir épousée, un dramaturge raté qui rêve d’écrire une grande pièce et qui vit à ses crochets. Elle est sténodactylo dans des bureaux auprès de Scott Dunavan. Rien ne semble pouvoir changer son quotidien, ni ses rêves brisés, hormis peut-être un carton qui traîne dans ses affaires, laissé par l’oncle Baxter. Elle ne sait rien ou presque de Baxter si ce n’est que c’est un aventurier qui a fait les quatre cents coups en quelques endroits du monde. Le monde de Baxter, elle va l’apprendre, c’est Nueva Brisa, une enclave sud-américaine où les De La Cruz font la pluie et le beau temps depuis des générations. Dans le carton, des photos de là-bas (dont celle d’un certain général Lucero) et quatre lettres adressées à messieurs Shima, Fallon et Coulter, ainsi qu’à madame Appleton. Or, Jennifer Hamilton vient de recevoir des nouvelles de l’oncle Baxter : il lui demande de remettre en mains propres une première lettre moyennant quelques centaines de dollars. Une fortune pour le couple. À partir de ce moment tout dérape dans la vie de Jennifer Hamilton. Monsieur Shima vient mourir dans le hall de son immeuble, son compagnon se révèle égoïste et machiste, et utilise l’argent comme il l’entend ; surtout, alors qu’elle va bénéficier d’une promotion à son travail, ses nerfs craquent et elle est prête à tout lâcher. Mais Jennifer Hamilton va quand même remettre les autres lettres à leurs destinataires sans trop savoir à quoi joue l’oncle Baxter, ni s’il joue avec sa vie à elle. Elle veut savoir ce qui se trame derrière tout ça. Elle veut aller au bout de sa mission. Heureusement, elle peut compter sur Scott Dunavan.
Paru à la « Série noire » originellement sous le titre Facteur, triste facteur, le roman de Dolores Hitchens est un bon livre à suspense qui mise sur les réactions d’une personne ordinaire amenée à faire face à une situation qui lui échappe. La grande réussite de l’auteure est de tenir éloignées les raisons de ces lettres. On suit les aléas de Jennifer Hamilton, on subit sa confusion, on se prend d’empathie pour elle en même temps que l’on déteste l’homme avec qui elle vit. Bien sûr, on comprend très vite l’histoire sentimentale qui se noue entre elle et Dunavan (histoire qui est un peu trop mièvre mais qui révèle aussi la place d’une femme qui vit de façon « illégitime » avec un homme). Ce qui est intéressant c’est la profondeur psychologique de ce personnage central : Jennifer Hamilton. Étrangement, alors que l’intrigue est très cinématographique (très hitchcockienne, même quand elle est amenée à un taxi escortée par une femme et un terrible chien), le roman n’a pas été adapté à l’écran. Pourtant, avec les déambulations éreintées de Jennifer Hamilton, avec ces quatre lettres remises à des personnages hauts en couleur, il y avait de quoi faire. Une bonne idée que d’avoir republié ce roman et d’avoir féminisé le titre.