Julian Rubinstein a rédigé de nombreux articles long format publiés dans les plus grands journaux américains dont The New Yorker. Il est aussi l’auteur de ce gros pavé lesté d’un cahier photos qui nous raconte par le menu l’histoire d’Attila Ambrus, venu de Transylvanie, et qui s’installe à Budapest en 1988, multipliant les petits boulots avant de devenir gardien de but d’une équipe de hockey et braqueur renommé. Parallèlement, et même souvent étroitement lié à ce parcours personnel, celui de la Hongrie qui se détache du bloc soviétique pour tâter du libéralisme s’avère passionnant. Car nous avons tout à apprendre de la géopolitique de ce pays « annexé » à l’Empire Austro-Hongrois avant d’être amputé à droite et à gauche de plusieurs morceaux, dont la Transylvanie justement passée dans le giron de la Roumanie. Attila est beau, musclé, n’aura jamais de sang sur les mains, et au cours de sa trentaine de braquages décrochera une notoriété de « gentleman cambrioleur » face à l’incurie de la police.
S’appuyant sur des rencontres avec les protagonistes, mais aussi sur la presse et une copieuse bibliographie socio-politique, Julian Rubinstein restitue les scènes avec un tel dynamisme que l’on est proche de la facilité de lecture de la fiction. Certains moments, comme l’anniversaire d’Attila « dans les collines froides de Transylvanie » avec ses potes hockeyeurs où il se ‘goberge de porc et de palinka en racontant des légendes sur les Sicules avant d’entamer le chant de guerre de l’équipe, sont de vraies scènes cinématographiques. Amitiés et amours d’Attila (qui adore le Johnny Walker Red au point de s’enfiler quatre rasades avant les braquages), plans réussis et foireux, prisons et évasions. Mais aussi déboires et victoires de Lajos Varju, chef de la brigade antibanditisme de Budapest et de ses sbires, touchés par les restrictions, rien n’est oublié tout est écrit. L’importance du travail de l’auteur et sa restitution pleine de talent fascinent, mais obligent le lecteur à une attention assez épuisante. Un travail magistral donc, qui aurait quand même gagné à être plus court.