CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 8.6
INFORMATIONS LIVRE
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Numéro collection : 4169
ISBN : 978-2-264-04777-9
Nombre de pages : 432
Format : 10x18cm
Année de parution : 2007
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6 / 10

Le Cadavre anglais

Un cadavre pas vraiment exquis

… bien que les morceaux épars de l'énigme telle qu'elle se présente de prime abord aux yeux de Nicolas Le Floch puisse évoquer ce curieux exercice consistant à abouter des phrases à des mots dont on a caché le texte dont ils procèdent – d'autant que, d'entrée de jeu, un bout de papier portant un message chiffré est de la partie. Et puis… le fameux cadavre, avant même de se révéler « anglais », montre un bien avenant visage une fois terminée la reconstruction que l'on a demandée au pastelliste Lavallée qui, à partir des traits convulsés et roidis par la mort, parvient à recomposer le portrait d'un agréable jeune homme aisément reconnaissable par tous ceux qui l'auraient côtoyé. Mais n'anticipons pas : avant que les enquêteurs en arrivent à solliciter un pastel d'identification, l'énigme a déjà mis à la torture la sagacité de Nicolas Le Floch et de son fidèle compagnon l'inspecteur Bourdeau.
Tout commence par une nuit bien trop sombre de février 1777 : aux abords de la prison du Fort-L'Évêque, les réverbères de la rue Saint Germain l'Auxerrois ne sont pas allumés comme ils le devraient. Passant par là pour se rendre au Grand Châtelet, Nicolas croise une étrange voiture à la fenêtre de laquelle apparaît une face masquée que, pourtant, il croit reconnaître. Et à peine a-t-il gagné son bureau qu'il est requis au Fort-L'Évêque : le cadavre d'un prisonnier qui tentait de s'évader vient d'être trouvé par le guet. L'affaire se présente, d'emblée, comme « extraordinaire » : le gouverneur de la prison ne sait rien de son prisonnier sinon qu'il bénéficiait d'un régime de détention privilégié, les causes de la mort ne sont pas celles que montrent les apparences, un message chiffré est récupéré dans une anfractuosité de la cellule du défunt…
Au fur et à mesure qu'il investigue, Nicolas a la très nette impression que l'on s'ingénie à lui tirer le tapis sous les pieds ; rien ne s'ajuste, tout ce qu'il croit percevoir est comme gauchi, déformé. Jusqu'à l'attitude de Monsieur de Sartine qui ne laisse pas de l'intriguer… Il finit par découvrir que le cadavre est celui d'un jeune artisan horloger anglais impliqué dans les recherches menées pour perfectionner le calcul des longitudes, que l'État français a mis en place une machination retorse pour piéger les services secrets anglais… mais il lui faudra consentir à envisager son enquête selon une tout autre perspective pour qu'enfin les choses aient l'air de ce qu'elles sont.
Entre le 8 et le 20 février, la véritable et triste histoire du jeune horloger livre ses derniers secrets. Dans le même temps, mandé à Versailles, Nicolas a tiré la Reine des griffes d'une intrigante sans scrupules et a élucidé l'énigme d'un très embarrassant cadeau qui aurait pu virer à l'incident diplomatique. Admirable célérité pour un homme qui, presque quadragénaire, est plus enclin que jamais à revenir sur son passé, à s'enliser dans les débats sentimentaux, et qui doit s'adapter au nouveau souverain…

Pour des raisons qu'il est inutile de détailler, je me suis trouvée à lire, en quelques semaines et à la suite les uns des autres, quatre des sept romans de la série. M'ont alors sauté aux yeux des choix de composition et des motifs narratifs qui reviennent avec une telle régularité et une telle fréquence qu'ils donnent l'impression de constituer un véritable système d'écriture auquel le romancier semble se plier sans y déroger – par exemple les digressions gastronomico-culinaires ou les retours en arrière entrelardant les méditations du héros. Puisque l'on en est aux motifs, il pourrait être amusant – et instructif – de se pencher sur la place que tiennent, dans ces récits, les trajets en voiture : soit que Nicolas les mette à profit pour méditer et se souvenir, soit qu'ils occasionnent de ces péripéties dignes des meilleurs feuilletons, ils sont parmi les pièces maîtresses de l'architecture narrative.
Mais il est à peu près certain que le lecteur approchant les romans au fur et à mesure de leur parution – qui attendra donc, au bas mot, un an et demi entre chaque volet – ne verra, lui, que passer les années, changer les situations des uns et des autres, mourir les rois, valser les ministres, changer les mains qui tiennent les rênes du pouvoir, se décatir les beautés… et, tout de même, se résoudre les cadavériques mystères posés en ouverture !

Article initialement paru le 23 décembre 2008
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Le cadavre surgit et le désordre suit au moment exact où chaque détail ménagé visait à ce qu'il n'y en eût point…
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