CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 9
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ISBN : 978-2-258-09713-1
Nombre de pages : 156
Format : 13x20cm
Année de parution : 1995
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8 / 10

Le Fossé

Série :
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Descente au bout de la nuit

Le titre est polysémique car ici le fossé renvoie à de nombreuses réalités. c'est d'abord une cassure entre les générations quand un notable de province ne voit pas comment sa fille a grandi et est entrée en révolte larvée contre cette famille trop bourgeoise. C'est aussi une fracture sociale (la première édition de ce texte date de 1995, au moment où le slogan entamait une belle carrière dans la bouche de Chirac) : entre le monde des riches ou des bourgeois, balisé, normalisé, prévisible, et celui des paumés, des laissés pour pour compte. Le narrateur venu des beaux quartiers part dans la jungle urbaine et rencontre des paumés, des « rebelles sans cause », des petites gens qui font le gros dos dans les banlieues. Cette fracture explose dans des scènes fortes comme lorsque à un moment le narrateur débarque dans un appartement de grande cité où les diverses générations regardent un film pornographique. Mais d'autres frontières infranchissables apparaissent dans ce Fossé. Les notables ont des piscines et les pauvres squattent des ruines d'anciennes usines. La police commence à être regardée de travers, et le roman décrit ce que d'autres appelleront les zones de non-droit.

Servi par un humour un peu distant (le narrateur voulait croire au lien social et a poussé sa fille dans un lycée public où elle a croisé de « mauvaises fréquentations »), Le Fossé se déroule en une unité de temps courte car le père doit retrouver sa fille qui a découché, et la piste qu'il suit l'entraine dans un univers de plus en plus nauséeux. Le roman présente un personnage central dont on suit les aventures périlleuses dans un long plaidoyer, dans une tentative de remettre de l'ordre, de devenir un vrai père. C'est peut-être là aussi qu'il existe un fossé entre Hervé Jaouen et une grande partie de la littérature policière. Il y a ici l'itinéraire d'un homme ordinaire, qui se fait policier, qui rend sa « justice », mais qui reste profondément humain, éloigné de toute récupération droitière et, en même temps, sa description évite l'angélisme des « zonards ». Ce parti pris de ne pas juger, mais de restituer un personnage dans sa complexité, dans une situation compliquée, et un final qui s'offre le luxe d'être empli d'espoir, alors que toute les tentatives du narrateur furent un échec, présente bien à coté des « classiques » du genre, combien l'œuvre d'Hervé Jaouen mérite bien d'être régulièrement reprise et rééditée… pour que les nouvelles générations de lecteurs découvrent ce franc-tireur humaniste et attachant.

Article initialement paru le 9 septembre 2012
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Notre bonheur était lisse. Petit-bourgeois, te disais-tu ? […] Issu d'un milieu modeste, j'avais travaillé pour réussir. Nous ne volions personne. Nous désirions une société plus juste, nous jouissions du présent, à défaut de croire à la vie éternelle.
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