La Finlande a un climat sans aucun doute pénible, mais son plus gros problème, c'est avant tout sa taille par rapport à ses voisins. Longtemps surveillée et menacée par le grand frère russe ou soviétique selon l'époque, le pays a peut-être eu l'impression de pouvoir souffler avec l'arrivée de la Perestroïka puis avec la chute du mur de Berlin en 1989, mais c'était sans compter sur la Russie actuelle qui n'est pas moins dangereuse que l'Union soviétique d'antan. Nul doute que les forces de l'argent facile ne sont pas moins mortifères que celles de l'idéologie monstrueuse et féconde.
Leena Lahtolainen avec ce roman met en scène Hilja, une jeune femme finlandaise élevée à la dure devenue garde du corps d'Anita, une femme d'affaires qui travaille dans l'immobilier avec les Russes. Une femme d'affaires capable d'escroquer ses partenaires russes, ce qu'elle ne manque pas de faire au moment de se rendre en Russie. Mais Anita en voulant acheter un manteau de lynx réveille un souvenir d'enfant particulièrement douloureux – Hilja a une relation forte avec cet animal – qui, ajouté à des incompatibilités d'humeur, poussent Hilja à démissionner. Quelques heures plus tard, Anita est sauvagement assassinée ; Hilja est la principale suspecte. Revenue en Finlande, elle va chercher à prouver sa bonne foi mais l'enquête est difficile et même les amis ou les amants cachent leurs lots de traitres.
Le Lynx est un roman de facture on ne peut plus classique avec une héroine, rusée et forte, ne comptant que sur ses propres ressources, portant le poids d'un passé difficile, et qui mène une enquête parsemée d'embûches où pouvoir, corruption et violence font bon ménage. Leena Lehtolainen est une femme et a choisi un personnage féminin, très bien dessiné, toujours en équilibre entre ses forces et ses faiblesses, à l'instar de ce lynx pourchassé qui la symbolise. La description du monde politique finlandais et sa dépendance à l'égard de la Russie montrent que la sauvagerie est une question de villes sordides plus que de grandes étendues forestières où vivent des animaux sauvages. Elle renoue ainsi avec les grands ancêtres comme Raymond Chandler ou Dashiell Hammett, les éloignant cependant des chaleurs californiennes et des républicano-démocrates corrompus pour le froid, les manteaux polaires et des députés écologistes, et en offre une version forte et prenante.
