Baguio, archipel des Philippines, 17 juillet 1978. Alors que le championnat d’échecs entre le dissident Viktor Kortchnoï et le soviétique Anatoli Karpov va débuter, le sous-lieutenant franco-philippin Benjamin Faure-Rojo croupit dans une cellule de la prison depuis trente-trois ans. Victime d’un black-out, il ne sait s’il a ou non assassiné en 1945 un ami, sa femme et leur fille aînée. La venue de l’Américain Melvin Cob dans les coulisses du championnat va pour lui changer la donne : Faure-Rojo l’a soigné dans sa cellule après un tabassage en règle. Il le connait très bien. C’est devenu un ami. Il va donc l’aider à y voir clair dans cette vieille affaire. Ce qu’il ne sait pas, c’est que Cob fait partie de la CIA et que dans les travées du championnat d’échecs un autre jeu tout aussi passionnant se joue entre espionnage et affrontement psychologique. Il ne sait pas non plus qu’il finira par enfin réaliser son rêve : voler libre dans les cieux aux commandes d’une colombe.

Adaptation éblouissante d’un roman à deux trames de Javier Cosnava (avec qui il a adapté Le Dernier Lapon, d’Olivier Truc, déjà chez Sarbacane), Le Roi sans couronne est une belle mise en abyme du jeu d’échecs que se livraient les deux blocs de la guerre froide. Mais c’est aussi une histoire d’individus pris dans des enjeux qu’ils ne comprennent pas à commencer par Benjamin Faure-Rojo, victime d’un coup monté ordinaire. Il y a de la manipulation chez Toni Carbos avec le cadre de ses vignettes (magnifique P. 69), son utilisation des perspectives et des lignes droites, son trait tout en rondeur qui s’attaque à des personnages vieillissants (qui conservent un air bonhomme), comme le monde qu’ils représentent et ses couleurs où le rouge écarlate détone. Le tout dans une atmosphère d’espionnage et de tension psychologique omniprésente sur fond d’intrigue policière « malheureusement » ordinaire où la vengeance reste un pilier. Ce Roi sans couronne n’est pas sans talent.