Gold Dagger 2023
Bienvenue à Savannah, Géorgie, ses langueurs sudistes, son histoire de racisme et d’esclavage, son Musicien que l’on entend mais que l’on ne voit jamais… C’est là qu’un soir, deux amis, le jeune Luke Hitchens, presque SDF, et son amie Mathilda « Stony » Stone, archéologue à mi-temps, se rendent chez Peeps, leur bar préféré. Mais alors qu’un certain Patron fait mander Stony en parlant de « sauver le royaume », une fois dehors, elle est agressée par des inconnus qui tuent Luke lorsqu’il tente de s’interposer. Son cadavre est découvert dans un immeuble en ruines incendié appartenant à Archie Guzman, un propriétaire véreux universellement détesté. Or Luke effectuait de menus travaux pour lui… Comme il est probable qu’il a incendié la propriété pour toucher l’assurance, Guzman est accusé de meurtre. Le propriétaire se tourne alors vers Morgana, une riche mondaine de Savannah, héritière de l’agence de détectives privés de feu son mari que son fils Ransom Musgrave fait tourner. Il lui demande de retrouver Stony pour qu’elle l’innocente du meurtre, à défaut de l’escroquerie à l’assurance, mais l’archéologue est retenue prisonnière par un inconnu qu’elle surnomme M. Gentil. Stony avait confié au Musicien son secret lié au Royaume et au trésor qu’il est censé contenir, mais encore faut-il le retrouver…
Un roman aux frontières du genre, même s’il emprunte pas mal de tropes du roman noir à l’ancienne – un privé, des magouilles immobilières, rien que l’on n’eût trouvé dans un vieux Ross Macdonald, plus le fait de faire de la ville un personnage à part entière. C’est ce dernier point qui peut vite lasser : peut-être qu’un habitant de la ville appréciera cette recherche toponymique, mais le lecteur lambda peut vite se perdre entre les lieux que traversent les personnages en échangeant moult potins sur l’histoire de la ville et ses grandes familles, dans la plus pure tradition sudiste (tous les protagonistes semblent habiter Savannah depuis au moins deux siècles) qui ne servent pas forcément l’intrigue. L’auteur aurait dû suivre le conseil de William Faulkner à savoir de « tuer ses chéris », mais là il cède à la tentation typique du roman historique de montrer qu’il maîtrise son sujet. D’autant que le roman est très bavard avec des changements de point de vue constants parfois déconcertants, des personnages entrant et sortant de l’intrigue sans être présentés pour en partir aussitôt, et des développements sont jugés importants sans que l’on sache bien pourquoi (un site Web censé détenir la clé de l’énigme… est oublié l’instant suivant). On a l’impression que George Dawes Green s’est laissé embarquer par son don réel pour l’écriture (servie par une traduction irréprochable) et les ambiances, et a tenté de fourrer toutes ses recherches sur l’histoire de la ville sans se soucier de personnage bien définis ou d’une intrigue un tant soit peu rigoureuse. Au final, on se dit qu’un pur récit historique sur ce fameux « royaume » eût été potentiellement plus intéressant… Mais le simple fait qu’un tel texte à contre-courant existe est rassurant en ces temps de thriller-Netflix.