Dans un futur très proche (peut-être même est-ce déjà le cas), à l’intérieur de l’État, un groupe chargé de surveiller et d’espionner décide de lutter contre le « cancer rouge ». Pour cela, devant la faillite de la plupart des idéologies de gauche, il convient de discréditer les derniers révolutionnaires qui pourraient être une source d’inspiration. Le groupe repère alors Sandino, qui a su se rebeller mais ne pas créer une dictature. De fait, le service décide de se servir d’un nouvel instrument informatique. Dans les universités, en voie de privatisation, les documents de travail et les thèses sont informatisées. Pour le responsable du projet qui fait partie du service secret, l’idée est simple : prendre un ancien mémoire sur le général Sandino et y introduire quelques éléments qui mettront à bas sa légende. Pour ce faire, il faut et trouver le document de départ qui sera transformé et utiliser une documentaliste du groupe privé qui numérise les documents afin de lui faire transformer légèrement le dit document. Le mémoire en question ne tarde pas à être trouvé. Un espion est chargé de s’approcher de la documentaliste et de la draguer. Une fois séduite, elle pourra en effet être plus facilement manipulée. L’opération est engagée afin de glisser quelques informations dans le document, laissant penser que Sandino, durant son activité militante, a aussi travaillé avec des nazis. Mais, en même temps, un universitaire de gauche, qui s’inquiète dans sa faculté de la prise en main des outils par des opérateurs privés, a décidé de chercher des figures de gauche susceptibles de remonter le moral des étudiants, d’autant plus qu’il est en train d’être mis sur la touche par les « financiers » qui dirigent sa faculté. Un de ses étudiants a décidé de travailler sur Sandino et repère le problème dans le mémoire plus ancien…
Comme le titre du roman de Paul Hébrard l’indique, nous sommes dans un roman de manipulation. Le mot aurait même pu être mis au pluriel tant de nombreux protagonistes du roman s’y essaient. Description de la mainmise qui s’accentue de la sphère privée sur les systèmes publics, Manipulation raconte une opération de déstabilisation du début à la fin, avec soin et détails, au sein d’une intrigue fine et intelligente. Jouant plus sur la psychologie, sur la description aiguisée des rapports sociaux et d’un monde contemporain où il convient de manier les fake news pour contrôler les populations, Manipulation joue avec notre compréhension et notre appréhension du monde sans violence excessive mais en décryptant notre univers, faisant appel à notre esprit. Un roman de qualité.