Elle s'appelle Corrina Park et quelques fois par semaine, elle vole un magazine dans une supérette de New York en même temps qu'elle s'achète de quoi manger. Après des études de lettres entre Faulkner et Fitzgerald elle végète dans une agence de publicité. Au lieu d'écrire des romans, elle rédige des slogans pour des savons. Jeune femme introvertie qui se sent en décalage avec son époque hyperconnectée, elle vit seule avec Anaïs, une chatte récupérée sur le trottoir, dans son petit appartement. Elle n'a pas de petit ami, elle surfe sur des sites de rencontre, regarde des ours à la télévision et des informations alarmistes. Depuis cinq ans, Corrina Park attend et ne cherche surtout pas. Pourtant, c'est au moment où elle se met un peu en mouvement, que sa vie enfin démarre réellement… Cette première bande dessinée graphique de Michael Cho avec sa bichromie noire et rose fait très comic. L'histoire développée n'est ni noire ni sombre. À vrai dire, elle est d'un rose fuschia sentimental. De loin, c'est surtout la vie ordinaire et répétitive de la protagoniste qui fait peur. C'est un cauchemar éveillé, comme si l'auteur souhaitait voir ses lecteurs prendre conscience du peu d'attrait de notre vie actuelle. Peut-être est-ce d'ailleurs l'une des raisons des petits vols de Corrina Park. Du haut de ses certitudes – comment tromper la vigilance du caissier – elle en oublie d'observer le monde qui l'entoure. Comme une allégorie d'un écosystème en désuétude. Elle a le béguin pour un photographe qui fait des clichés alimentaires et qui semble avoir les mêmes aspirations qu'elle, et qui souhaite se retirer au Nouveau-Mexique dans une caravane et se confronter à la nature. Mais le photographe – Ben – est la personnification de l'urgence de notre société. Lui, n'attend pas, il cherche, mais il cherche surtout à oublier qu'il est seul. Alors, pou Corrina Park, le moment est réellement venu de se mettre en marche, de sauter dans l'inconnu, de se mettre en danger. D'autant que dans sa supérette, le caissier…
