Seul le silence débute comme un roman d'enfance, genre dont la littérature américaine a le secret. Dans la ferme familiale, Joseph Vaughan vit une enfance heureuse à Augusta Falls, en Géorgie, entouré de son père, de sa mère, du vieux Reilly Hawkins, de la famille Kruger et d'Alexandra Webber, son institutrice. Une enfance champêtre entre nature et école communale. Mais la petite maison dans la prairie se transforme très rapidement en Amityville. Sous la forme d'une plume blanche au vol imprévisible, la Mort s'invite dès les premières pages et ne quittera plus le roman jusqu'à son terme. Ce qui s'annonçait comme une saga américaine prend les atours du thriller. Et le parcours du personnage principal, à défaut de quête du bonheur, tourne à l'obsession de la vérité. Le lecteur est alors emporté dans une chasse au serial killer de longue haleine. Celle-ci se déroule sur plus de trente années, entre la Géorgie et New York, depuis une Amérique post Grande Dépression qui observe à distance la montée du nazisme jusqu'à la fin des années 60 et la chute d'une société patriarcale, en passant par une guerre dont le pays n'a pu se tenir à l'écart très longtemps.
Dès les premières lignes, le lecteur sait comment va se terminer le roman. RJ Ellory prend le parti de le dire, et insère dans le récit des retours vers le futur afin de le rappeler. Seul le silence étonne cependant car au-delà de la prouesse de l'auteur, qui a su préserver une tension narrative intacte en tenant secret le nom du coupable jusqu'à la dernière page et en nourrissant l'exaspération du lecteur de voir le sort s'acharner sur ce pauvre Joseph Vaughan, ce roman porte en lui l'image de la chute du rêve américain lequel tourne au cauchemar quand cette société révèle ses penchants xénophobes, quand la figure du père se brise et inspire davantage de crainte que de sentiment de sécurité. Ce n'est pas un hasard si le roman s'ouvre sur la mort du père de Joseph Vaughan.