Il y a des livres qu'on ne peut pas résumer comme ça ; Speed Fiction fait partie de ceux-là. Écrit en quinze jours dans une chambre d'hôtel à Paris, Speed Fiction est une sorte de récit halluciné sous amphétamine. On est à mi-chemin entre le Burroughs du Festin nu et le côté trash des récits de Hubert Selby Jr (salué du reste dans le livre).
En fait, le livre de Jerry Stahl devient comme une métaphore de l'Amérique elle-même, en proie à la parano, à l'onanisme chronique, à la volonté de puissance via les substances psychotropes. Mais cette métaphore n'est elle-même que le délire d'une conscience sous amphétamine. Il y a des moments où on ne sait plus si on est dans la réalité ou dans le délire. On déconseillera donc ce livre aux lecteurs « paresseux », comme on le déconseillera à ceux qui, par romantisme peut-être, ont encore une vision idéaliste des paradis artificiels.
Ce qui s'exprime dans Speed Fiction, c'est la voix d'une conscience malheureuse et masochiste, qui recherche dans la drogue une jouissance plus durable que l'orgasme sexuel. En fait, le ou les narrateur(s) de Speed Fiction aimerai(en)t pour ainsi dire jouir en continu, remplacer le principe de réalité par un principe de plaisir définitif. Oui, mais… Au bout du compte, la jouissance suprême trouve son point culminant dans la mort. On sent bien que Jerry Stahl n'est pas allé jusque-là, mais que les occasions n'ont pas manqué.
Bref, Speed Fiction relève plus de la performance, au sens plastique du terme, que de la littérature habituelle, faite souvent pour conforter le lecteur dans ses habitudes d'identification réaliste. On touche là à une « écriture des limites » qui n'est pas sans rappeler chez nous Antonin Artaud et Georges Bataille.