Avec Bombay Beach, Californie, Dominique Forma nous propose les trajectoires éclatées d’un homme et d’une femme, couple de start-uppers canadiens qui vole en éclat dans un désert californien. Tout débute à Vancouver dans une galerie d’art lorsque Jane décide d’investir dans les recherches d’un scientifique qui travaille sur le sommeil. Un cruel accident de casque va cependant mettre un terme à leur projet. Assaillis par la presse, désireux de se soustraire à la justice, les Fay prennent la route en voiture pour traverser les États-Unis. Mais près de Bombay Beach, asile des oubliés qui désirent oublier, Jane décide que leurs chemins se séparent. Et voilà Louis perdu au milieu de l’immensité désertique. Lui comprend sa femme, ses motivations. Il va alors tenter de survivre dans un nouveau monde hostile pour finir par atterrir après quelques étapes près de Las Vegas. Là-bas, à Primm, ses talents d’ancien trader vont lui permettre de subsister. Seulement, Louis a changé. Il est devenu solitaire et taiseux. Surtout, il conduit un buggy à toute blinde, fermant les yeux une dizaine de secondes, pour tenter de se convaincre de quelque chose. Mais quand il doit filer sur Los Angeles pour persuader une rappeuse sur le déclin qu’elle vienne participer à un tournoi de poker dans l’enceinte d’un casino de troisième zone, Louis ne s’attend pas à croiser le regard de sa femme sur un panneau publicitaire. Dix ans ont passé. Jane est agent immobilière. Mère aussi d’une jeune fille de dix ans. Mais son avenir à elle n’est pas tout rose. Il est entre les mains de la mafia arménienne. Et s’il y a bien quelqu’un sur qui elle ne veut pas compter, c’est sur son ex-mari. Celui qu’elle a abandonné à la curie d’une bande de motards vautours près de Bombay Beach…
De par son expérience, Dominique Forma est peut-être l’écrivain français le plus légitime à nous trimballer de Las Vegas à Los Angeles dans un univers crade et foutraque. Avec une écriture minimaliste et des personnages bien campés à la Elmore Leonard, le romancier réussit à donner du corps à une intrigue tellement incongrue qu’elle finit presque par devenir réelle. Star-uppers sur la pente ascendante, Jane et Louis se prennent une de ces gamelles qui leur pendaient au nez. Mais le couple dépeint à ce moment-là n’est déjà plus qu’un couple sur le papier. Pour Dominique Forma, les aspect psychologistes et intimistes sont essentiels. Eux dirigent les actes. Un portrait fort d’une femme, un homme qui subit, puis une inversion des rapports avant un retour à la cruelle réalité américaine. Avec Bombay Beach, Californie, l’auteur français empreinte les pas de ses prédécesseurs américains pour pourfendre l’idée même chère à Ronald Reagan et autres Républicains du rêve américain. Ici, c’est le cauchemar, et il n’est même pas climatisé. « La Manuf », nouvelle collection de La Manufacture des livres place son catalogue sous l’auspice des raconteurs d’histoire. C’est une bonne chose.