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L'Affaire Laget : une énigme qui bouleversa le Midi de la France
Grand format
Inédit
Tout public
288 p. ; illustrations en couleur ; 23 x 16 cm
ISBN 978-2-917875-67-4
Il était quatre foies
Surnommé Docteur Mystère par la presse de l'époque, le docteur Pierre Laget se spécialise dans l'odontologie après ses études de médecine, se marie en 1912 avec Sarah Alexandre, l'une des filles de riches commerçants juifs de Béziers, ouvre un cabinet de chirurgien dentiste, part au front, est blessé au pied (ce qui est jugé, plus tard, fort suspect), repart sur un autre front, répare les gueules cassées et revient à Béziers avec la Croix de Guerre après cinq ans sous l'uniforme. Son destin prend alors une tournure si terrible qu'après moult conquêtes féminines, pertes financières et d'êtres très chers, il se retrouve devant la Cour d'Assises en 1931 et est condamné à la guillotine...
Jean-Pierre Fournier, professeur d'histoire en université maintenant à la retraite, s'est plongé dans cette affaire retentissante qui déchaîna les passions à Béziers dont il est aussi habitant. Et ce premier livre sort l'Affaire Laget de l'oubli car elle n'était mentionnée jusqu'à présent que dans des recueils. Pourtant, à l'époque, Détective afficha en première page une photo du dentiste se défendant au tribunal tandis que Le Petit Journal préféra une gravure mélodramatique où le juge d'instruction traîne Laget au chevet de sa sœur empoisonnée. Preuves du retentissement de l'affaire.
En grand ordonnateur, Jean-Pierre Fournier nous conte ce parcours tragique en mêlant informations locales et nationales. Il a épluché les archives, les dossiers, la presse mais aussi les souvenirs et les traces laissées. Apparemment, Laget n'a pas de chance. Même s'il est devenu un notable et qu'il mène grand train, il a toujours des problèmes d'argent dus à une fièvre boursicoteuse et des investissements dans un élevage moderne. L'ambiance dans le couple s'en ressent. Sa jeune femme Sarah meurt en 1922, suite à une "intoxication". La tante de Laget meurt l'année suivante en 1923. Le dentiste se remarie en 1924 avec Suzanne, la sœur de sa femme. Elle meurt à son tour en 1929. La propre sœur de Laget, Marie-Louise tombe à son tour malade, un an plus tard. Les médecins en perdent leur latin. De par ses compétences Laget est devenu un garde-malade qui fait le vide autour de lui. Mais Marie-Louise accuse son frère. Mme Alexandre, mère des deux ex-épouses, se met de la partie. Les symptômes de Marie-Louise ne ressemblent-ils pas à ceux de Sarah, Suzanne et la tante ? Et toutes ces histoires d'argent, les dots, les héritages, les assurances vie ? Les médecins ordonnent l'évacuation de Marie-Louise avec interdiction de recevoir son entourage. La procédure est lancée. Le juge d'instruction découvre en la personne du Docteur Laget un adversaire coriace.
Cette fascinante affaire chabrolienne est retracée avec beaucoup de talent par un écrivain qui sait user de mots rares et d'un style qui fleure bien l'époque : "L'automne arrivait maintenant avec des ronflements d'orgue. Les grands vents commençaient à dépouiller les arbres, formant de molles épaisseurs de feuilles aux senteurs âcres." Après les "nécropsies", les lettres, les témoignages voici le procès. Dilemme cornélien : la mère va-t-elle accuser son fils pour sauver sa fille ? Les experts ont trouvé des traces d'arsenic, Laget se rit de cette trouvaille. Un professionnel comme lui n'aurait jamais utilisé un tel poison. C'est justement parce qu'il y a de l'arsenic qu'il ne peut être qu'innocent. Et, d'abord, tout le monde sait que les terres de cimetière en sont pleines (plus tard, pour l'affaire Marie Besnard se posera le même problème).
Expert de la vie au bagne, c'est aussi dans le "après" la condamnation à mort commuée en travaux forcés que Jean-Pierre Fournier assoit ses compétences. Il détaille la réclusion dans l'ancienne abbaye de Fontevraud puis le voyage jusqu'à l'île de Ré, l'embarquement et la vie au bagne de Cayenne. En 1944, épuisé, celui qui n'a jamais cessé de proclamer son innocence et qui travaille dans les services de santé du bagne, est retrouvé mort. "En réalité, dérobant des toxiques dangereux, Laget en avait absorbé des doses létales, se donnant la mort... par le poison ! Quel symbole..."
Citation
La dépouille étant en bouillie, on ne put recueillir les restes qu'en plongeant la cuiller dans la région du foie et des reins.